ISABELLE CARRE SUR LA VOIX DU RAÏ

CHEBA LOUISA, de Françoise Charpiat – 1h35

Avec Isabelle Carré, Rachida Brakni, Biyouna, Stanley Weber et Mhamed Arezki

Sortie : mercredi 8 mai 2013

Je vote : 3 sur 5

chebalouisa_christophebrachet05Quezako ?

À 30 ans, Djemila, juriste célibataire a enfin son propre appartement…, tout près de chez ses parents. Française d’origine maghrébine, elle fait tout pour gommer ses origines. Emma, sa voisine déjantée et fauchée, rame pour élever seule ses deux enfants depuis la mort de son compagnon musicien. Si tout oppose les deux femmes, une amitié profonde va bientôt naître grâce à  la musique du raï.

2 raisons d’aller voir ce film ?

Des actrices au top. Indéniablement, Isabelle Carré s’en donne à cœur joie dans la peau de cette jeune femme déjantée qui masque ses angoisses et sa difficulté de vivre, derrière une énergie à tout crin et un optimisme de façade. La comédienne souligne : « Emma est très différente de mes rôles précédents : elle a une grande gueule et un sens immédiat de la répartie, tout ce que je ne suis pas dans la vie.  Ce côté rock’n’roll, je l’avais un peu abordé dans Le Refuge de François Ozon, mais le personnage restait introverti. » Et d’ajouter : « Le point commun que j’ai avec Emma est son rapport aux enfants. Elle a beau être bordélique, c’est une mère formidable. Être prête à tout pour eux, je le comprends et je le vis au jour le jour ! « Comment élever deux mômes avec trois balles ? » : cette interrogation d’Emma parle à tellement de gens. C’est un combat quotidien – ne serait-ce que pour payer la cantine -, une autre réalité moins glamour, dont le cinéma parle peu. A mes yeux, ces gens sont pourtant des héros… »

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Rachid Taha fait une apparition en chanteur avec Rachida Brakni

A son côté, Rachida Brakni se révèle sur scène en chanteuse de musique chaâbi et en danseuse. Elle raconte : « Le Chaâbi est plein d’humour et de sensualité. Il a toujours suivi l’évolution de la société : lorsque des femmes le chantaient, on les considérait comme des prostituées ; certains textes évoquaient la colonisation d’une manière détournée ; d’autres parlaient de l’exil, lors des premières vagues d’immigration vers l’Europe… C’est un patrimoine fabuleux, perpétué notamment par Rachid Taha, et qui a largement dépassé les frontières de l’Algérie. » Ce conte en forme de comédie  la renvoie en prime à son propre parcours. « Dans ma vie, j’ai toujours voulu être en accord avec mes origines et le fait d’être Française. C’est un long processus. Je suis née en France mais à travers la perception des autres, j’étais Algérienne et, lorsque je retournais là-bas, j’étais considérée comme une immigrée. J’ai mis du temps à réaliser que je n’avais pas besoin d’être à un seul endroit. Cela passe par un point de rupture et l’amour autour de soi facilite les choses. On se rend compte que l’on fantasme beaucoup, que l’on se met une pression plus forte que ce qu’elle est, en réalité. Djemila suit le même parcours et c’est au contact des autres, surtout d’Emma, qu’elle va mieux vivre. Elle ne cède plus aux chantages de sa mère mais l’amour qui les unit existera toujours. » Sa mère, c’est Biyouna, tout à fait étonnante dans ce rôle de femme qui masque les fêlures de sa vie personnelle derrière une apparente assurance.

Alors, même si l’histoire peut sembler parfois trop belle pour être vraie, le jeu des comédiennes, leur enthousiasme ne peut qu’emporter  l’adhésion du spectateur gagné par un scénario qui, sans avoir l’air d’y toucher, aborde bien des thèmes forts : recherche de racines, transmission, cohabitation des cultures, fraternité en banlieue… Françoise Charpiat souligne en conclusion : « Cheba Louisa est un conte de fées. Je crois au pouvoir de l’humour comme vecteur d’opinions, d’engagements. J’adore les comédies à l’anglaise et, si je peux m’imaginer tourner un mélo, je ne me vois pas dans le drame social réaliste. Ken Loach y excelle mais je préfère un film comme La Part des anges où il opte pour une fable positive. J’adore aussi le cinéma de Mike Leigh, notamment Secrets et mensonges où, sans grands mouvements de caméra, le texte et les actrices portent un humanisme profond, jamais déprimant. » Ce n’est déjà pas si mal en ces temps de crise…

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