DERNIER HAVRE FACE A LA VIOLENCE

LA SIRGA, de William Vega – 1h34

Avec Joghis Seudyn Arias, Julio Cesar Robles, Floralba Achicanoy, David Guacas

Sortie : mercredi 24 avril 2013

Mon avis : 4  sur 5

_DSC0712L’histoire ?

Fuyant la violence armée qui lui a fait perdre ses parents, Alicia débarque à La Sirga, une auberge lacustre appartenant à Oscar, le seul membre des siens encore vivant. Dans ce lieu isolé, battu par les vents et la pluie,  elle cherche à  se reconstruire. Mais le retour de Freddy, le fils qu’Oscar a attendu pendant des années, et son possible lien avec cette guerre sans nom, vont raviver  les craintes d’Alicia.

Et alors ?

Pour évoquer la violence endémique de la Colombie,  si facilement montrable à l’écran, William Vega a choisi une autre voie : celle de la résistance.  Dans cette maison délabrée dont il dit ouvertement qu’elle est une métaphore de son pays, un lieu à « l’aspect inachevé », les personnages tentent de survivre malgré tout, presque en ignorant les menaces qui rodent : après l’ouverture saisissante du corps laissé en pleine nature, les seules traces de la guerre sont des crosses de fusils dépassant d’un sac, un impact de balle sur la fenêtre d’un mirador oublié… Sans doute, le manque d’explications sur le contexte pourra en déranger certains, mais c’est le parti pris du metteur en scène qui déclare : « J’ai délibérément mis de côté les artefacts de la guerre. Le film ne prend pas parti pour un groupe ou un autre. Il est comme Alicia au milieu de tout et de nulle part. » Ainsi, la moindre irruption d’inconnus peut susciter la peur : ainsi quand les musiciens viennent boire un coup et chanter dans l’auberge sous les yeux apeurés d’Alicia qui redoutent les réactions de ces mâles entre eux.

_DSC4057Pour donner vie à ces personnages, le cinéaste a choisi des acteurs de la vie courante. Ainsi, Julia Cesar Robles est un vrai pêcheur, agriculteur quand Floralba Achicanoy, la gouvernante, une vraie tisseuse. Le réalisateur dit encore : Je choisis mes interprètes après avoir discuté avec eux, mais je ne fais jamais d’essais filmés. J’attends qu’une fusion s’opère entre mes personnages et la personnalité de gens que j’ai choisis. Je tiens également à conserver un certain mystère autour de mes personnages. »

Enfin, il y a la mise en scène splendide qui fait parfois penser à l’univers de Tarkovsky, tant la nature sauvage de cette lagune  du sud-ouest de la Colombie, près de la frontière de l’Equateur, est magnifiée dans des plans à la beauté sauvage. Sans oublier les scènes nocturnes où, somnambule, Alicia sort avec une bougie pour l’immoler dans les eaux du lac. Un paysage dévoré par les eaux qui semblent en permanence une menace. Selon une légende locale,  « la totora », motte de terre recouverte d’herbe se détachant et flottant sur le lac, est un signe annonciateur d’une noyade.

Pour son premier long métrage, William Vega signe un film puissant avec une mise en scène qui a vraiment du souffle.

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