THE ACT OF KILLING, 1h55
Documentaire de Joshua Oppenheimer, co-réalisé avec Christine Cynn & Anonyme
Sortie : mercredi 10 avril 2013
Je vote : 3 sur 5
L’histoire ?
Quand Joshua Oppenheimer se rend en Indonésie pour réaliser un documentaire sur le massacre de plus d’un million d’opposants politiques en 1965, il n’imagine pas que, 45 ans après les faits, les survivants terrorisés hésiteraient à s’exprimer. Les bourreaux, eux, protégés par un pouvoir corrompu, s’épanchent librement et proposent même de rejouer les scènes d’exactions qu’ils ont commises. Joshua Oppenheimer s’empare de cette proposition dans un exercice de cinéma vérité inédit où les bourreaux revivent fièrement leurs crimes devant la caméra.
La force de ce doc
A la sortie d’un tel documentaire coup de poing qui a nécessité plus de 1 000 heures de tournage, on se demande comment un jeune cinéaste a réussi à convaincre de tels monstres de témoigner sur les violences qu’ils ont fait subir aux opposants communistes dans les années 60. Tant aucun ne semble sujet à un quelconque remord. Joshua Oppenheimer répond : « Comment gagne-t-on la confiance de meurtriers ? De la même façon qu’avec n’importe quel être humain : en leur démontrant de la bonté, et surtout en écoutant leurs histoires. Rien ne pouvait éveiller leurs soupçons. Pour eux, les actes qu’ils avaient commis n’avaient rien de répréhensible et méritaient plutôt d’être célébrés. Ils n’avaient donc rien à cacher. C’est précisément ce symptôme révélateur d’une terrible maladie morale et sociale que le film tente d’examiner. Je n’ai pas eu à les convaincre de jouer dans le film. Ils tenaient à participer. Ils adorent le cinéma américain et m’ont tout de suite considéré comme un réalisateur américain qui venait tourner dans leur pays. Mon hypothèse, c’est qu’en faisant ce film, qu’ils considèrent comme « un divertissement familial sur le thème du génocide de masse », ils pouvaient avoir la conscience tranquille. »C’est ce qui est le plus troublant dans ce doc, souvent insoutenable. Un vieil homme tel Anwar, même s’il a du mal à se retenir un moment de vomir quand il revient sur une terrasse hier transformée en terrain de massacre, parle d’une voix tranquille en décrivant ses méfaits. C’est d’autant plus troublant quand ces histrions d’un jour rejouent la scène d’incendie du village en expliquant tranquillement à leurs enfants et petits-enfants, embauché pour la circonstance qu’il s’agit d’une fiction. Pour ces vieillards et anciens tueurs, la vie semble alors comme un plateau de cinéma.
Le doc a été montré en Indonésie où le cinéaste a peu de chance de pouvoir revenir sous peu au risque d’y perdre la vie, tant le pouvoir actuel protège ces tortionnaires. Il raconte : « La première du film a eu lieu le 10 décembre 2012, journée internationale des droits de l’homme. Depuis, des projections ont lieu secrètement dans tout le pays. En Indonésie, ce spectacle d’un père fondateur du régime en place, s’étranglant littéralement sur les actes qu’il a commis, a eu un profond impact sur la population et la manière dont elle perçoit son histoire et ses dirigeants. Tout le monde savait que le pouvoir en place était corrompu et que certains politiciens avaient été des tueurs. Les langues se déliaient enfin. »
Un exercice de cinéma-vérité qui fait froid dans le dos… et à ne pas montrer à toutes les générations bien sûr.

