CHRONIQUE D’UNE LUTTE QUI A DE LA CLASSE

FILM ANNONCE (long) : LA SAGA DES CONTI / en salles à partir du 20 mars 2013 from Les Films des Deux rives on Vimeo.

LA SAGA DES CONTI, de Jérôme Palteau

Documentaire – 1h27

Sortie : mercredi 20 mars 2013

Mon avis : 4 sur 5

Quezako ?

11 mars 2009. Les 1120 salariés de l’usine de pneumatiques « Continental » de Clairoix reçoivent leur lettre de licenciement. Dès les premiers jours c’est la colère, mais ceux que l’histoire retiendra sous le nom des « Conti » sont déjà habités d’une certitude : celui qui se bat n’est pas sûr de gagner, mais celui qui ne se bat pas a déjà perdu. Le film relate le conflit sur plusieurs mois, dans ses grandes étapes, mais aussi et surtout en coulisses, au plus près de ses acteurs : Xavier Mathieu, Roland Szpirko, et tous les autres. On découvre de l’intérieur la mise en œuvre d’une stratégie inédite, on assiste aussi  à une combinaison d’actions judiciaires, de coups de force, de diplomatie et d’opérations de relations publiques.

Et alors ?

Habitant  lui-même Clairoix, la ville où est installée cette usine, Jérôme Palteau était donc aux premières loges du conflit qui a connu bien des rebondissements et une couverture médiatique d’autant plus forte qu’il y a eu aussi la campagne de la dernière Présidentielle comme caisse de résonance. C’est alors qu’il a eu envie de suivre les ouvriers durant cette dernière année de lutte, de colère, de découragement pour en tirer cette chronique ouvrière et industrielle très forte. Il raconte : « Une question me taraudait alors : comment peut-on vivre et travailler dans une usine dont on sait qu’elle va fermer dans un an ? Comment envisage t-on l’avenir pendant cette période ? Je décidai d’entreprendre un travail d’enquête et de rencontres pendant toute Capture d’écran 2013-03-01 à 16.23.27l’année qui allait suivre, à travers quelques portraits d’ouvriers et de leurs familles. A cette époque, je pensais faire un film sur la résignation, mais les Conti ont changé le cours de l’histoire. »

La force de ce documentaire tient dans le fait que le réalisateur a su se faire accepter des ouvriers au point de filmer en toute liberté leurs délibérations, leurs doutes, leur construction d’une stratégie originale de combat. Il ajoute : « Au fil des semaines, alors que ma présence régulière aux côtés des ouvriers m’a permis de gagner leur confiance, ils m’ont ouvert les coulisses de leur combat. J’ai été autorisé à filmer les conversations confidentielles au cours desquelles une véritable stratégie s’est élaborée. Pris dans l’action, je réalisai petit à petit l’intérêt de la façon dont la lutte était menée, et ses enjeux. »

Dans cette version longue – un 52 minutes avait déjà été diffusé sur la Chaîne parlementaire- on voit bien émerger des figures Capture d’écran 2013-03-01 à 15.40.28comme Xavier Mathieu (ci-contre) et Roland Szpirko, des personnages médiatiques mais qui ne sacrifient pas l’enjeu collectif à des considérations médiatiques. On entend ainsi Xavier Mathieu lancer à une journaliste qui le suit: « Je ne suis qu’un sur les 1120 ! » Car -et c’est ce qui est touchant dans le documentaire- ce film est aussi le portrait d’une vraie tribu qui a ses codes et cultive une fraternité qui est tout sauf de façade. C’est particulièrement vrai dans le voyage pour rencontrer « les copains de Hanovre » où Xavier Mathieu rappelle à ses partenaires les expressions qu’il faut rayer de son vocabulaire pour ne pas les vexer.

Portrait d’un monde ouvrier en pleine mutation, ce doc est passionnant à découvrir tant il se préoccupe de l’humain touché par cette mondialisation qui fait perdre bien des repères.

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