JEAN ROCHEFORT : SCULPTEUR D’EMOTIONS

L’ARTISTE ET SON MODELE, de Fernando Trueba – 1h45

Avec Jean Rochefort, Aida Folch, Claudia Cardinale

Sortie : mercredi 13 mars 2013

Je vote: 4 sur 5

L’histoire  ?

Eté 1943, dans la France occupée, près de la frontière espagnole. Marc Cros, un célèbre sculpteur, vit une retraite paisible avec sa femme Léa, qui fut son  modèle. Fatigué de la vie et de la folie des hommes, il cherche une inspiration nouvelle, mais rien ne semble le sortir de son train-train quotidien.  En hébergeant Mercé, une jeune espagnole échappée d’un camp de réfugiés, l’homme découvre une nouvelle muse et retrouve le goût du travail…20380022

Pourquoi courir voir ce film ?

Depuis qu’il a annoncé que ce serait sans doute son dernier film, Jean Rochefort a suscité les commentaires. S’il persiste dans sa décision, ce film restera comme un des grands moments de sa carrière. En vieil artiste bougon mais encore capable de s’émouvoir au contact de cette jeune femme qui déboule dans son existence rangée, il fait une composition très subtile. Il dit : « Je n’aime pas les couleurs franches. Même pour jouer un vieux ronchon, j’essaie de faire de la peinture à l’eau, que ce ne soit pas tranché. » Cette fois, il réussit pleinement son coup !

Face à lui, Aïda Folch réussit, elle aussi, une partition sans faute en jouant ce modèle que la femme de Marc (Claudia Cardinale impeccable) ne peut plus assurer avec le temps qui passe. De sa jeune partenaire, Jean Rochefort dit : « Aïda est une gosse qui m’a enthousiasmé. En France, on ne trouve pas souvent ce type de jeune comédienne, qui peut passer en un éclair de la haine à l’amour. Elle vient d’un milieu modeste, a un fort tempérament, quelque chose de latin. »20380024Ensuite, il y a la griffe de Fernando Trueba qui a pris le parti d’utiliser avec une grande maestria  le noir et blanc. Un peu à la façon dont les photographes, tel Cartier-Bresson, ont immortalisé des artistes comme Picasso. Avec de la profondeur et du grain.

C’est aussi une façon de nous replonger dans la période de l’Occupation, avec les rues de cette petite ville où l’écho de la 20380019guerre est lointain, marqué par l’irruption ponctuelle de soldats allemands. Pas forcément les plus vindicatifs. Même si on sent que le danger est proche dès lors que surgit dans le décor champêtre la voiture d’un gradé du Reich ou qu’un groupe de soldats arrêtent un marchand de pigeons qui pourraient servir à la transmission de messages…

De plus, le cinéaste parvient dans cette histoire à marier tous les thèmes : la vie d’artiste, l’approche de la fin, les émois charnels, la vie de couple…. Il souligne :  » Le thème de l’artiste et son modèle est fréquent dans l’art moderne. Picasso et Matisse l’ont caressé sans relâche, s’éloignant de la perspective narcissique et l’abordant comme un thème qui va au-delà du simple exercice d »auto-portrait. Mon film se veut une variation cinématographique sur ce thème. La rencontre d’un homme qui sent venir la fin de sa vie et d’une jeune femme qui commence la sienne. » Son habileté est d’avoir signé une histoire à tiroirs qui procure une vraie émotion. Elle est autant cinématographique qu’humaine. De la belle œuvre.

 

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