NO, de Pablo Larraín – 1h57
Avec Gael García Bernal, Antonia Zegers, Alfredo Castro
Sortie : mercredi 6 mars 2013
Je vote : 4 sur 5
Quezako ?
Au Chili en 1988. Face à la pression internationale, le dictateur chilien Augusto Pinochet organise un référendum sur sa présidence en espérant bien pouvoir se jouer des règles démocratiques et du temps de parole laissé aux opposants. Les dirigeants de l’opposition persuadent un brillant publicitaire, René Saavedra, de concevoir leur campagne. Avec peu de moyens mais des méthodes innovantes, Saavedra construit un plan audacieux pour libérer le pays de l’oppression, malgré la surveillance constante des hommes du dictateur.
Et alors ?
Après avoir joué Guevara jeune dans Carnets de voyage en 2004, Gael García Bernal se glisse avec la même aisance dans le costume de ce fils de pub qui va utiliser les armes idéologiques du régime de Pinochet pour les retourner contre lui. Malgré les menaces, les intimidations, ce jeune garçon pas vraiment politisé trouve les clés de communication pour convaincre l’opinion publique. Notamment en utilisant les armes de l’humour, de la dérision, plutôt que celles de l’émotion engendrée par le cortège de tortures et de disparitions qui ont marqué les années Pinochet. Le comédien souligne : « La plus grand réussite de la campagne du NON a été d´une part, d´utiliser le système néolibéral mis en place par la dictature, et d´autre part, la démocratisation des médias dans l´état rudimentaire dans lesquels ils se trouvaient à l´époque. On peut dire que la campagne a dépassé la droite par la gauche, et par la droite. Ils ont appelé à l´optimisme et à la joie, dans un pays submergé par les chocs douloureux, conséquences de sa politique récente. » Au gré de la progression du récit, il montre comment la mentalité de ce publicitaire est en train de changer, notamment à travers la relation qu’il entretient avec son épousé, qui l’a quitté et qui, elle, a une vraie conscience politique et un engagement bien réel.
Pour restituer tout le climat de cette époque, Pablo Larraín a fait un joli travail sur l’image afin que se marient le plus harmonieusement possible la fiction et les images d’archives. « Ainsi, nous avons obtenu comme résultat une image identique à celle réalisée dans les années 80, afin que le spectateur parcoure cet imaginaire sans différencier le matériel d´archives et l´image filmée lors du tournage. Nous évitons ainsi la perception d’un matériau « d´époque » en créant un hybride, de temps, d´espace et de matériel, généré grâce à des caméras à tube Ikegami de 1983. Le format presque carré en 4:3, et ce choix unique dans la technique audiovisuelle de réaliser ce film avec des caméras vidéo analogiques sont aussi une manière de résister à l´hégémonie esthétique du HD. »
Ainsi, toute une époque revit dans ce récit qui est aussi un hommage à une fraternité retrouvée et un coup de projecteur sur un moment trop rare dans l’Histoire: celui où une élection fait chuter un vieux dictateur tortionnaire. Mot de la fin à Gael García Bernal : « En s’engageant sciemment dans une campagne que la grande majorité estimait frauduleuse dès ses débuts, Saavedra et son équipe ont estimé que le sacrifice en valait la peine et ont décidé de l’assumer une fois pour toutes. Pour eux, pour leurs parents, pour leurs enfants. C´est pour cela que Saavedra m´a plu, car il s’est converti en quelqu´un d´héroïque et de plausible. »
En tout cas, ce film redonne ses lettres de noblesse à une certaine manière de conduire la lutte politique et de défendre la démocratie.

