GOODBYE MOROCCO, de Nadir Moknèche – 1h42
Avec Lubna Azabal, Rasha Bukvic, Faouzi Bensaïdi, Grégory Gadebois, Ralph Amoussou, Anne Coesens
Sortie : mercredi 13 février 2013
Je vote : 3 sur 5
Quezako ?
Divorcée, un enfant, Dounia vit avec un architecte serbe à Tanger. Une liaison scandaleuse aux yeux de la famille marocaine. Le couple dirige un chantier immobilier où le terrassement met à jour des tombes chrétiennes du IVème siècle, ornées de fresques rares. Espérant gagner très vite de quoi quitter le Maroc avec son fils et son amant, Dounia se lance alors dans un trafic lucratif. Mais un des ouvriers du chantier meurt accidentellement… et tout bascule.
2 raisons d’aller voir ce film ?
Une fois encore, Lubna Azabal est surprenante dans le rôle de cette jeune femme qui doit se battre dans une société très traditionnelle pour faire accepter ses choix et préserver sa liberté. Elle promène sa silhouette, en apparence frêle mais au fond très solide, dans ce récit sombre. Et incarne avec beaucoup de doigté cette jeune femme symbolisant un désir d’autonomie et de liberté. Nadir Moknèche ajoute : « Pour moi, le personnage de Dounia Abdallah est emblématique de ce combat, jusqu’au choix même de son prénom et nom : Dounia veut dire « la vie ici-bas », et Abdallah « le serviteur (esclave) de Dieu. » Elle va refuser d’obéir à sa foi. » Elle incarne aussi une jeune femme qui ne comprend pas les sentiments que peut éprouver pour lui son ami d’enfance, qu’elle a embauché comme chauffeur et homme à tout faire, et admirablement campé par Faouzi Bensaïdi. Un homme dont la passion amoureuse ne pourra conduire qu’au drame.
L’autre intérêt du film, c’est de porter un regard multiple sur le Maroc dont le réalisateur dresse un portrait bien éloigné de l’univers des cartes postales : situation des travailleurs clandestins noirs sur les chantiers; misère sexuelle; prévarication à bien des niveaux de la société… Sans oublier l’homophobie ambiante illustrée par l’attitude ironique des flics face au patron de la cinémathèque de Tanger, incarné par un autre comédien solide : Grégory Gadebois. En jouant sur une mise en scène non linéaire, Nadir Moknèche s’emprisonne un peu dans les codes du film de genre, et perd au passage un peu de force dans sa description de la réalité. Mais il assume ce choix avec force : « La disparition de Gabriel est
le summum de la violence, la scène primitive au sens propre et figuré. Tout se joue à cet instant-là. À quel moment doit-on la révéler aux spectateurs ? C’est aussi une histoire où le passé vient sans cesse resurgir dans le présent des personnages : la fresque, l’enfance de Dounia et d’Ali, l’ex-mari, le corps de Gabriel… Mon autre préoccupation était de traiter de sujets complexes (le statut de la femme, les harragas, les rapports nord/sud…) sans mettre les
Dounia et son ami d’enfance (Faouzi Bensaïdi)
personnages au service d’une analyse ou d’une cause. La construction non chronologique me paraissait être un outil efficace et qui permet de tenir le spectateur en haleine. »
Il sait aussi capter de façon particulière l’atmosphère de Tanger, une ville coincée entre deux mondes pour servir de décor à ce film noir où finalement la réalité est plus forte que les rêves… Et la vie routinière est bien difficile à briser.

