CÔNG BINH, LA LONGUE NUIT INDOCHINOISE, de Lam Lê
Documentaire 1h54
Sortie : mercredi 30 janvier 2013
Je vote : 4 sur 5
L’histoire ?
Inspiré du livre de Pierre Daum, Immigrés de force, ce film documentaire revient sur l’histoire méconnue de 20 000 Vietnamiens. A la veille de la Seconde guerre mondiale,ils furent recrutés de force dans l’Indochine française pour venir suppléer dans les usines d’armement les ouvriers français partis sur le front allemand. Pris à tort pour des soldats, bloqués en France après la défaite de 1940, livrés à la merci des occupants comme à des patrons collabos, ces ouvriers civils appelés « Công Binh » menaient une vie de parias mais eurent un rôle. Ils furent ainsi les pionniers de la culture du riz en Camargue. Considérés injustement comme des traîtres au Viêt Nam, ils étaient pourtant tous derrière Ho Chi Minh pour l’Indépendance du pays en 1945. Le film a retrouvé une vingtaine de survivants au Viêt Nam et en France.
2 raisons d’aller voir ce film ?
La parole de survivants oubliés. Déjà le livre de Pierre Daum avait marqué les lecteurs tant il racontait dans s
a longue enquête un pan oublié de l’ histoire entre la France et le Viêt Nam. Et ce, d’autant plus que ces « ouvriers soldats » ont été montré du doigt pendant des années dans leur pays d’origine. Ce qui explique que certains d’entre eux ont mis du temps à raconter ce pan de leur histoire à leur famille même. Ainsi Nguyên Van Thanh, alias ZAN 3, qui après la guerre, est resté en France et dit : « A quoi ça servait de remuer le passé ? Je voulais d’abord assurer un bon avenir à Juliette, ma femme, à ma famille, dans ce pays. »
Lam Lê définit ainsi son travail : « Je ne suis ni journaliste, ni historien, mais cinéaste : je voulais raconter cette histoire, mais en y mettant ma subjectivité et avec ma vision de Vietnamien.. En la revendiquant, même. Je voulais apporter mon regard, en tant que Vietnamien, sur cette histoire. » L’auteur de Poussière d’empire signe, in fine, un recueil de témoignages aussi passionnants qu’émouvants. « Pendant le montage, cinq de mes témoins sont morts. Alors, oui, j’ai eul’impression de courir contre la montre« . Astucieusement, le cinéaste a utilisé les célèbres marionnettes d’eau du théâtre d’Hanoï pour accompagner cette plongée historique et animer les séquences entre elles.
La force des témoignages. Sans jouer sur le moindre pathos, ces témoins qui sont des grands-pères racontent des histoires qui sont tout à fait étonnantes. Ainsi, devenu un peintre et sculpteur mondialement connu, Lê Ba Dang, évoque en ces termes son séjour en Camargue : « On n’avait pas de moustiquaire : nous qui n’avions rien à manger, en revanche, on a fourni un vrai festin aux moustiques ! Mais on a quand même planté le riz, les pieds dans l’eau. Et quand j’ai mangé un bol de ce riz, ce riz que nous avions récolté, quel bonheur : c’était le premier bol de riz « made in France » que je mangeais depuis mon arrivée sur le sol français ». Si vous passez un jour du côté de la Camargue et découvrez la statue d’un paysan vietnamien, son œuvre, vous vous souviendrez alors de ce documentaire émouvant et riche en informations qui évoque l’étrange vie de ces Indochinois qui ne furent un temps que des nombres…
