AU PAYS DES NANTIS…

ivressedelargent03L’IVRESSE DE L’ARGENT,   de Im San-soo – 1h54

Avec Kim Kang-woo, Baek Yoon-sik, Youn Yuh-jung, Kim Hyo-jin

Sortie : mercredi 23 janvier 2013

Je vote : 4 sur 5

L’histoire ?

Secrétaire  de Madame Baek, dirigeante d’un puissant empire industriel coréen, Youngjak  est un employé zélé. Son travail ?  S’occuper des affaires privées de cette famille à la morale douteuse. Pris dans une spirale de domination et de secrets, perdu entre ses principes et la possibilité de mener une vie plus confortable, Youngjak  va devoir choisir son camp pour survivre dans cet univers où argent,  sexe et pouvoir mènent la danse…

La force de ce film ?

 Dans une mise en scène au raffinement extrême, Im Sang-soo, le réalisateur de The Housemaid, signe à la façon d’un Balzac ou d’un Zola un portrait d’un réalisme extrême de cette famille de nantis coréens dont toute la vie est guidée par l’argent et la puissance qu’il apporte. Une société gangrénée par le fric comme le souligne le cinéaste :  « Ces dernières années, le fossé entre les riches et les pauvres s’est creusé, à mesure que les classes ivressedelargent02moyennes disparaissaient. Les gens se disent qu’à tout moment, ils peuvent tout perdre ; ils vivent avec cette peur au quotidien. C’est d’ailleurs cette peur qui caractérise le mieux la société coréenne contemporaine. »  

De séquence en séquence, Im Sang-soo montre comment le pouvoir pousse la majorité des gens à courber l’échine, à se soumettre sous l’œil, tour à tour méprisant ou goguenard, des riches. Rien que la relation entre le Secrétaire et la fille du couple (Kim Kang-woo et la très belle Kim Hyo-jin, deux acteurs de la nouvelle génération du ciné coréen) en dit long sur cette ivresse. Entre séduction et voyeurisme, la vie tourne à un jeu pervers où le puissant tire en permanence son épingle du jeu, non sans exprimer un mépris total face à plus pauvre que lui. Même le sexe y devient un jeu, ultime expression de cette ivresse du pouvoir et de la domination…

Par le choix des œuvres d’art qui sont partout disposés dans la splendide demeure , le cinéaste décrit un univers aussi aseptisé et froid qu’un musée comme si c’était le décor d’un théâtre où il faut paraître. C’est que symbolise l’apparition de l’un ou l’autre membre de cette famille en haut du grand escalier. Le cinéaste ajoute :  « Les tableaux aperçus dans le film (d’Erro, Arman, Yuri Kuper, Jim Dine, et bien d’autres artistes coréens de renom) sont éblouissants, mais les êtres qui les côtoient au jour le jour ne cessent de s’enlaidir, ce qui est pour le moins ironique. » Le tout étant souligne par la très belle photographie du film et le jeu des lumières tout à fait splendides.

ivressedelargent01Enfin, il y a le choc entre deux générations d’acteurs coréens et la présence de figure comme Youn Yuh-jung qui joue cette mère autoritaire et froide dirigeant cette maison d’une main de fer, espionne son mari infidèle et se moque des humbles. Dans ce théâtre d’ombres et de cruauté, elle est une des figures la plus glaçante. Des comédiens dont le jeu, selon le désir du cinéaste, s’appuie avant tout sur la sobriété comme il tient à le souligner : « Je n’aime pas les cris, les gémissements, toutes les explosions d’émotion en général. Je n’écris jamais ce genre de scènes dans mes scénarios. Sur le plateau, je me demande toujours comment permettre aux acteurs d’en faire le moins possible. Je pense que c’est par une approche minimale du jeu que les émotions authentiques affleurent. »
Une œuvre forte, dérangeante car son propos a des résonances universelles…

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