LE WESTERN SOUS L’OEIL DE TARANTINO

DJANGO UNCHAINED, de Quentin Tarantino – 2h44

Avec Jamie Foxx, Christoph Waltz, Leonardo DiCaprio, Samuel L. Jackson, Kerry Washington, Walton Goggins

Sortie : mercredi 16 janvier 2013

Verdict : 4 sur 5

1138856 - Django UnchainedQuesako ?

Sud des Etats-Unis, deux ans avant la guerre de Sécession. Le Dr King Schultz, chasseur de primes allemand, achète Django, un esclave qu’il veut mettre à contribution pour traquer les frères Brittle, des meurtriers recherchés. En échange, l’étrange toubib  promet à Django de lui rendre sa liberté.

Pour l’ancien esclave, le but principal est alors  de retrouver sa femme, dont il a été séparé. Débarquant dans la plantation du puissant Calvin Candie,  un homme dur et sans pitié, le duo éveille les soupçons de Stephen, un vieil esclave qui a toute la confiance de Candie.

Pari réussi ?

Cinéphile et cinéphage, Tarantino ne pouvait pas un jour ne pas s’intéresser au western, un genre qui fait les beaux jours du cinéma depuis sa création. Ce scénario, il l’a peaufiné pendant dix ans. Récit :  » Même si l’histoire de « Django Unchained » se déroule dans le sud des États-Unis avant la guerre de Sécession, je trouvais que l’histoire serait racontée plus efficacement sous la forme d’un western. J’ai toujours voulu en réaliser un. J’aime tous les genres de westerns, mais comme les westerns spaghettis ont toujours été mes préférés, je me suis dit que le jour où j’en ferais un, il s’inscrirait dans la lignée de ceux de Sergio Corbucci. »  »  Le personnage de Django fut interprété pour la première fois dans le film éponyme de Corbucci en 1966 par Franco Nero… qui fait une courte apparition chez Tarantino…

Comme à son habitude, le cinéaste multiplie les clins d’œil au film de genre dans un opus de près de trois heures où ils promènent ses personnages dans des cadres naturels splendides, de lieux enneigées aux paysages tropicaux de la Nouvelle Orléans. Ce qui donne une vraie force à certaines séquences comme celles tournées à Lone Pine, dans le nord de la Californie.   « C’était vraiment très important aux yeux de Quentin parce qu’il croit à l’efficacité des effets autres que les images de synthèse ; il croit à l’impact du cinéma authentique sur le public. Nous nous sommes donc rendus sur le lieu de tournage de la scène d’ouverture du film, et un assistant de production a dû s’assurer qu’il faisait assez froid et que le degré d’humidité était suffisant pour que notre haleine forme de la buée » raconte Sacey Sher, co-productrice du film. Porté par une bande originale où les mélodies plus modernes se croisent avec la voix magnifique du vieux Johnny Cash, le film montre que Tarantino connaît son Ouest sur le bout du colt. Il se paye même le petit plaisir d’apparaître dans une scène détonante dans la peau d’un convoyeur de prisonnier.1138856 - Django Unchained1138856 - Django UnchainedBien sûr, la violence est présente dans ce récit de vengeance et Tarantino sait soigner ses effets. Les séquences de combats et de cavalcade sont dans la lignée de Peckinpah avec cette touche d’exagération qui est la marque de fabrique du cinéaste. Ainsi dans la séquence de baston au cœur de la maison de Candie où il ne faut pas chercher un grand réalisme mais un goût pour le spectaculaire. Parallèlement, il décrit avec une grande force la cruauté des traitements subis par les esclaves dans des séquences dont la brutalité est parfois insoutenable.

Pour un tel western, l’homme a soigné son casting.  Ayant repris la partition prévue pour Will Smith, Jamie Foxx campe avec force un esclave retrouvant la liberté. Et dont l’esprit de vengeance est motivé par une belle histoire d’amour. Il souligne :  » Le dévouement qu’ont Django et Broomhilda l’un envers l’autre a permis d’ouvrir une fenêtre intime et personnelle sur ces personnages. À l’époque, être marié était défendu. Vous pouviez être tué pour ça. Ils obligeaient les gens à s’accoupler, l’esclave de sexe masculin le plus fort avec l’esclave de sexe féminin la plus résistante, pour obtenir des esclaves plus forts. Ils ne voulaient pas que les Noirs se marient. Alors, le fait que Django soit marié était très important pour moi. C’est une histoire d’amour ; c’est l’amour qui le nourrit, qui lui donne la force d’avancer. »

Ami de Tarantino, et étonnant officier nazi de Inglorius Basterds, Christoph Waltz campe l’étonnant toubib et chasseur de primes qui promène une dégaine pas croyable dans ce chariot surréaliste dominé par une molaire en équilibre. Tarantino n’a pas hésité à aller vers l’incroyable comme dans la séquence où le duo débarque dans la plantation. Waltz raconte : «  Imaginez cela : Django dans un costume façon Petit Lord Fauntleroy et le Dr Schultz conduisant une charrette surmontée d’une dent géante avec un plombage en or se balançant d’avant en arrière, le tout sur une plantation du Tennessee !  » Le plus étonnant dans l’affaire, c’est le rôle dévolu à DiCaprio qui joue un planteur abominable, qui prend plaisir au spectacle de la violence. Un superbe personnage de salaud dans lequel l’acteur semble tout à fait à l’aise. Quand le comédien lui a dit son intérêt pour le rôle, 1138856 - Django UnchainedTarantino a écrit du sur-mesure comme il le confie : « Je me suis mis alors à reconfigurer Candie comme une sorte de Caligula jeune. Son arrière-grand-père a créé cette affaire d’exploitation de coton, et son grand-père a continué après lui et en a fait une entreprise rentable. Son père, ensuite, a encore augmenté les profits. Calvin est le quatrième Candie à diriger l’entreprise et il s’est lassé. Il se moque du coton, c’est pour cela qu’il s’occupe de combats d’esclaves. C’est une sorte de jeune prince flamboyant, un Louis XIV à Versailles. Je voulais vraiment jouer sur cette idée, un Louis XIV du sud des États-Unis. Candyland est une communauté entièrement close, qui s’étend sur plus d’une centaine de kilomètres de long. C’est un fief. Candie a la puissance d’un roi : il peut exécuter les gens, il a tout pouvoir dans son royaume. »

Avec ce film, Tarantino signe un western baroque et flamboyant, un bel hommage au genre porté par une brochette de comédiens qui ont l’air de retrouver leur âme d’adolescent.

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