GLOBAL GÂCHIS – Le scandale mondial du gaspillage alimentaire
d’Olivier Lemaire, écrit par Maha Karrat et Tristram Stuart
Diffusion : mercredi 17 octobre 2012, 20h50, sur Canal +
Mon avis : 4 sur 4
Un passionnant reportage dénonce le gaspillage alimentaire pratiqué dans le monde entier. Des images qui ne peuvent que susciter le débat.
« Global gâchis » ou le scandale mondial du… par LeNouvelObservateur
Sur les pas de Tristram Stuart, 35 ans, cet anglais auteur du livre Waste, un document clé sur le gaspillage alimentaire- nous plongeons dans un monde de totale absurdité. Un chiffre suffit à faire comprendre l’enjeu du débat : un tiers de la production mondiale de nourriture de la planète est jeté quand un milliard d’êtres humains ne mange pas à sa faim ! D’Europe en Equateur, via le Japon et les Etats-Unis, ce reportage nous fait découvrir des exemples de ce gâchis à l’échelle mondiale.
C’est Angélique Delahaye, exploitante agricole en Indre-et-Loire, qui explique comment elle doit jeter un quart de sa production de concombres malgré leur comestibilité. La raison ? Les distributeurs rejettent ceux qui ne collent pas à une norme « esthétique » du légume qui doit être droit, lisse et calibré. Même si les normes européennes ont disparu en 2009, les distributeurs continuent de répondre
aux désirs des consommateurs. En France toujours -le premier pays agricole d’Europe- un directeur d’hypermarché, Thomas Pocher -un des rares à accepter de rompre publiquement le silence- guide la caméra dans ses poubelles. Et nous fait découvrir un univers à la Kafka ou des bananes portant de simples petites taches sont jetées, tout comme des viennoiseries et des packs de soda… La facture est lourde pour les plus de 1 000 enseignes françaises : environ 850 millions d’euros par an, soit six fois le budget des Restos du Cœur. Les foyers français continuent de gaspiller et mettent 100 kilos de nourriture par an et par personne à la poubelle.
Cette gabegie ne connaît pas de frontières. Au marché de Chennai en Inde, un Rungis à la taille de cet immense pays, 150 tonnes de nourriture pourrissent sur le sol. La faute aux conditions de transport à moindre coût. Avec 100 milliards d’euros par an gaspillés, les Etats-Unis sont en tête de ce palmarès honteux.
Derrière ce constat accablant, ce reportage montre qu’il y a bel et bien des solutions. Même si les initiatives sont encore isolées. Ainsi aux Etats-Unis, l’association City Harvest fait travailler une centaine de personnes qui explorent New-York à bord de camions pour récupérer les invendus de grandes marques et préparer 300 000 repas par semaine. Au Japon, les choses sont plus avancées encore et une loi, vieille de dix ans, contraint les entreprises à pratiquer le recyclage alimentaire. Un exemple : Odakyu, conglomérat de réseaux ferrés, grands magasins et restaurants, les déchets alimentaires servent à nourrir des porcs bio qui sont revendus aux enseignes du groupe. Pour Tristram Stuart, chacun pourrait apporter sa pierre dans cette lutte contre un tel gâchis. Il souligne : « Dès lors que les gens prennent conscience qu’ils peuvent améliorer la vie de ceux qui ont faim à l’autre bout du monde, tout en limitant leur impact négatif sur l’environnement, en évitant simplement le gaspillage alimentaire, je pense que la plupart d’entre eux savent d’avance comment arrêter ce gaspillage : faire une liste des courses, comprendre la signification exacte de l’étiquetage concernant la date de péremption, manger les restes plutôt que cuisiner un nouveau plat, utiliser les fruits trop mûrs pour des smoothies, faire des soupes et des ragoûts avec les quelques légumes qui restant. » En fait, il s’agit de retrouver en partie les pratiques qu’avaient nos Anciens.
Après avoir fait bouger les lignes en Angleterre en 2009 quand il proposa un curry gratuit à 5 000 personnes à partir d’ingrédients qui auraient été perdu, Tristram Stuart a proposé la même chose sur le parvis de l’Hôtel de ville de Paris le 13 octobre dernier. Autant de manifestations pour éclairer les consommateurs, les gouvernements et les entreprises. Avec la perspective de 9 milliards de terriens en 2050, un tel reportage ne peut que provoquer des réactions et faire prendre conscience de l’urgence à mettre un terme, dans le monde entier, à pareil gâchis…
A signaler la publication de « La Grande (Sur-) Bouffe », de Bruno Lhoste, présenté par Tristram Stuart aux Editions Rue de l’échiquier.