CESAR CHEZ LES TAULARDS

CÉSAR DOIT MOURIR, de Paolo et Vittorio Taviani – 1h16

Avec Fabio Cavalli, Salvatore Stiano, Cosimo Rega, Giovanni Arcuri

Sortie : mercredi 17 octobre 2012

Je vote : 4 sur 5

Quesako ?

A Rome, dans la prison  de Rebibbia. La représentation du Jules César, de Shakespeare  se termine par des  salves d’applaudissements et les acteurs regagnent leurs cellules. Ce sont tous des taulards, souvent condamnés à de lourdes peines. Qui  sont ces hommes ? Un flash back nous fait vivre toute l’élaboration de la pièce, de la découverte du texte à la représentation finale.

Pourquoi ce film est très fort ?

Des films sur les prisons, des opus politiques, il en existe, tant le thème est prétexte à bien des récits, bien des jugements politiques, polémiques. Là où les frères Taviani font œuvre très originale, c’est en décrivant la taule et ces prisonniers par le prisme de cette création théâtre, sous la houlette du metteur en scène Fabio Cavalli. L’aventure est née d’une rencontre et de la découverte de cette centrale de la banlieue romaine où la plupart des détenus sont condamnés pour des activités liés à la Mafia, la Camorra. Les frères confient: « Nous ne connaissions ce monde qu’à travers les films américains. Le jour où nous sommes entrés à Redibbia, l’obscurité de la vie carcérale s’opposait à l’énergie d’un évènement culturel et poétique. Sur leur scène de théâtre à l’intérieur de la prison, les détenus récitaient certains chants de « L’Enfer », de Dante, le comparant à leur propre enfer. » L’idée est alors née, avec le metteur en scène des taulards, Fabio Cavalli, de monter ensemble Jules César.

En jouant sur le retour dans le passé, le mélange de noir et blanc, majoritaire, et de la couleur (qui symbolise le retour à la réalité), les frères Taviani livrent un récit d’une grande profondeur sur des hommes au fond du trou qui voient, dans le théâtre, une manière de redevenir plus humain et de s’échapper dans la création. Les Frères ne portent aucun jugement sur les peines -bien des acteurs-détenus n’ont pas des parcours d’enfant de cœur-, ils montrent une création en cours, les difficultés, les paris audacieux comme celui de faire jouer les comédiens dans leurs dialectes, ce qui donne une force expressive étonnante à l’univers de Shakespeare revisité de si belle manière.

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A de rares exceptions comme celle de  Sasa Striano, qui interprète Brutus, et bénéficiait d’une réduction de peine -il est libre aujourd’hui-, les acteurs sont les pensionnaires du quartier de haute sécurité pour une longue durée quand ce n’est pas « à perpète ».  Quand ils jouent, on a le sentiment qu’ils mettent toute leur vie dans la balance. D’autant plus que les réalisateurs ont l’astuce de montrer une séquence d’essai où chaque aspirant comédien doit face à la caméra jouer comme s’il passait un poste frontière et se présenter. Une fois dans la douleur et l’autre dans la colère. Ils racontent : « C’est à ce moment-là qu’avec une forte émotion, nous avons commencé à les connaître, dans leur vraie vie d’hommes, douloureuse, furieuse, délirante. »

Les frères Taviani ont tourné quatre semaines pour mener à bout cette création et leur caméra a pu se faufiler partout, excepté une partie centrale, où les fameux repentis sont isolés des autres.  De cette complicité au quotidien avec ces acteurs d’un genre particulier, les cinéastes nourrissent cette réflexion sur la liberté pure mais aussi celle qu’apporte le savoir, le fait de pouvoir se projeter dans un ailleurs, de rêve comme de fiction. La clé du film est sans nul doute dans la formule lancée par Cosimo Rega, qui joue Cassius de retour dans sa cellule : « Depuis que j’ai connu l’art, cette cellule est devenue une prison. »

Un retour en grande inspiration des créateurs de Padre Padrone : leur film a d’ailleurs raflé l’Ours d’or à Berlin et cinq Donatellos -les Césars italiens- dont celui du meilleur réalisateur. Des lauriers qui ne souffrent pas la contestation…

 

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