AFRIQUE : L’EXIL DE TOUS LES DANGERS

LA PIROGUE, de Moussa Touré – 1h27

Avec Souleymane Seye Ndiaye, Laïty Fall,  Malamine Dramé “Yalenguen”, Balla Diarra

La Pirogue – Extrait 1 vf (HD) par PureCine

Sortie : mercredi 17 octobre 2012

Je vote : 3 sur 5

Quezako ?

Dans un village de pêcheurs de la banlieue de Dakar, où de nombreuses pirogues  tentent, au péril de la vie des migrants, de faire passer les candidats au départ en territoire espagnol. Capitaine de pirogue, Baye Laye doit, pour faire survivre sa famille,  prendre le commandement d’une pirogue qui transporte trente personnes. Un voyage qui a des allures de suicide.

Et alors ?

Cinéaste africain reconnu, Moussa Touré   parvient à nous faire vivre ce voyage vers l’exil de l’intérieur sans céder à la caricature. Il raconte : « C’est parti d’un constat très simple et évident : au Sénégal, chaque famille compte au moins un de ses membres qui s’est embarqué dans une pirogue pour tenter sa chance en Europe. Notre peuple grandit avec l’horizon au loin, mais la seule manière de l’atteindre pour les plus jeunes, c’est de partir. La moitié de la population a moins de 20 ans, et il n’y a aucune perspective d’avenir pour elle. « 

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Sénégalais ou Guinées, ces passagers ne croient pas à un quelconque Eldorado mais fuient « simplement » la misère de pays où l’horizon est bouché. Et sont les otages de compatriotes passeurs qui font leur beurre sur le dos de la misère. Ils sont tous simplement humains avec des rivalités ethniques,  des cultures différentes, ce qui provoque des tensions mettant à mal la solidarité nécessaire dans une telle aventure.  Avec, en prime, la présence originale d’une femme, une passagère clandestine dont la fonction a valeur de symbole. « Je voulais montrer une certaine ambiguïté, dit Moussa Touré : les hommes savent bien au fond d’eux-mêmes que s’embarquer dans une pirogue et traverser la mer est extrêmement périlleux, et que c’est un quasi suicide. C’est pour cela qu’ils refusent que leurs femmes les accompagnent. Mais on doit s’interroger sur les femmes : elles n’ont aucun avenir au Sénégal, et peuvent aussi légitimement avoir envie de fuir vers l’Europe. Il me semblait important de montrer que la femme africaine est capable de faire des choix, de poser des actes forts, de prendre des risques comme un homme. »

Le tout est porté par une mise en scène solide où le cinéaste utiliser avec talent le huit-clos offert pas cette pirogue. Après la splendide séquence d’ouverture sur une lutte sénégalaise, ce décor de théâtre fait ressentir le sentiment d’étouffement des passagers. Et ce d’autan plus que la mer laisse les regards se perdre à l’horizon. « Il fallait montrer à quel point on y étouffe, car c’est très exactement ce qu’on y ressent, surtout quand il fait 35° à l’extérieur, et qu’il fait 10° de plus à l’intérieur ! Même pour les techniciens, l’atmosphère et les conditions étaient très difficiles. Ce sentiment d’étouffement se retrouve sur les visages, dans la promiscuité des lieux et dans les dialogues ou l’absence de dialogue. Car le sentiment d’étouffement est encore renforcé par le silence. » Le cinéaste est parfaitement parvenu à restituer cette atmosphère. Alors, même si l’on s’attend un peu à la chute de l’histoire, on ne peut rester insensible devant une telle odyssée forte et digne.

Laisser un commentaire