CAPTIVE, de Brillante Mendoza – 2h02

Avec Isabelle Huppert, Kathy Mulville, Marc Zanetta, Rustica Carpio
Sortie : mercredi 19 septembre 2012
Je vote : 3 sur 5
Quezako ? A Palawan, une île de l’archipel des Philippines, une vingtaine de ressortissants étrangers sont pris en otage par le groupe Abu Sayyaf, des musulmans terroristes qui se battent pour l’indépendance de l’île de Mindanao. Alors qu’elle apporte des provisions au siège d’une ONG en compagnie d’une autre bénévole philippine, Thérèse Bourgoine, citoyenne française, employée dans l’humanitaire, est kidnappée à son tour. Le début d’une longue marche dans la jungle…
Et alors ?
Huitième réalisation du cinéaste philippin, Captive est un film ambitieux et casse-gueule avec le thème principal : la prise d’otages d’humanitaires par des rebelles musulmans. Le cinéaste a nourri son scénario de plusieurs évènements qui sont survenus dans son pays natal. Il raconte : « Les événements décrits dans « Captive » se basent sur les prises d’otages qui ont eu lieu aux Philippines, les enlèvements de l’hôtel Dos Palmas à Palawan, en 2001, et d’autres enlèvements commis par le Groupe Abu Sayyaf (GAS) et autres organisations séparatistes similaires. Les rapports officiels diffèrent, mais en l’espace d’environ une année, il y eut de nombreuses attaques et, en différents endroits, plus de 100 personnes furent enlevées et maintenues en captivité dans l’attente d’une rançon. Des dizaines d’otages, de soldats et de ravisseurs furent tués au cours de ces événements tragiques. Pour « Captive », j’ai fait comme si l’ensemble du film traitait d’un seul événement réel. Le script est tiré de mes recherches approfondies sur certains enlèvements, sur les endroits où ils se sont vraiment produits, ainsi que sur les témoignages de survivants, de ravisseurs, de militaires, et d’autres personnes ayant pris part et/ou assisté à ces événements. Le film comporte environ 25 % d’éléments fictifs ; ce sont pour la plupart des personnages et des scènes que j’ai jugés nécessaires à des fins de mise en valeur et de dramatisation. »
Une prison à ciel ouvert
En donnant le minimum d’indications à ces acteurs sur l’avenir de leurs personnages, Mendoza les maintient dans une tension propice à la dramaturgie du film et à faire ressentir l’étouffement subi par ces otages, d’autant plus fort qu’une grande partie du film se déroule dans la jungle, une prison à ciel ouvert. Pour faire encore plus vivre « l’expérience de l’enlèvement » à ces comédiens, le cinéaste a tourné les séquences du film dans l’ordre. « Tout comme dans mes précédents films, ajoute t-il, j’ai utilisé une approche documentaire pour faire « Captive ». J’ai filmé l’histoire d’une manière simple, en collant à la réalité des faits dont je m’inspire. »

Par ce souci réaliste, cette volonté de suivre les acteurs une caméra tenue à l’épaule pour être très proche des personnages, Mendoza laisse peu de temps au spectateur de respirer et bien des personnages ont surtout pour but de mettre en évidence leur fonction. De la missionnaire qui tente de faire changer d’avis un jeune rebelle, au chef des miliciens musulmans qui pratique le mariage forcé, en passant par les infirmières qui soignent comme elles peuvent. Même si on y croit, certains stéréotypes font long feu comme la séquence où il est question d’enterrer une chrétienne morte en pleine jungle, histoire de montrer l’inconciliable différence entre les cultures.
Là où le film prend de la hauteur, c’est avec le personnage de Thérèse Bourgoine, jouée toujours avec une infinie profondeur, par Isabelle Huppert. Le regard de Thérèse permet aussi bien de décrire le comportement des rebelles musulmans que de pointer du doigt la misère de la communauté musulmane de Mindanao. Elle raconte : « Pour les premiers jours du tournage, Brillante Mendoza avait fait en sorte que les acteurs ne se rencontrent pas, aussi bien les otages que les terroristes, afin de préserver la situation de tournage. Je débarquais sur les lieux, ne connaissant personne et les acteurs interprétant les terroristes étaient particulièrement effrayants. L’acteur n’est pas dans la psychologie car il suit les faits au plus près et en nous filmant jour après jour, selon la chronologie du récit, le film capturait ainsi une progression. »
Là où Mendoza filme très juste, c’est quand il décrit la jungle, la fait ressentir presque à fleur de peau, en filmant aussi bien les sangsues qui attaquent les otages, que des scorpions ou encore un combat d’araignées. Comme si cette jungle était à l’image d’une société en proie à une guerre intérieure et où les autorités n’hésitent pas à tirer aussi bien sur les rebelles que les otages pour marquer un autorité en péril. Un pays qui semble en permanence au bord du gouffre, prêt à imploser. Alors, la mise en scène de Mendoza est solide. Et nettement moins attendue que dans la séquence où il montre en parallèle un accouchement en gros plan et une fusillade.
In fine, on regrette un peu que le réalisateur n’ait pas signé une œuvre moins consensuelle -comme le fut Kinatay, en 2009- et tente de donner une portée humaine à la barbarie sans pour autant mieux faire alors comprendre les causes profondes et politiques de cette rébellion.
