TROIS SŒURS, de Milagros Mumenthaler – 1h28

Avec María Canale, Martina Juncadella, Ailín Salas et Julían Tello
Sortie : mercredi 18 juillet 2012
Je vote : 4 sur 5
L’histoire ?
Dans la maison familiale de la banlieue de Buenos Aires, trois sœurs -Marine, Sofia et Violeta- cherchent à combler le vide de l’absence de leur grand-mère qui vient de mourir d’un infarctus et qui les a élevées. Si Marina se concentre sur ses études, Sofia est obnubilée par cette absence et sort avec ses amis alors que Violeta erre de la chambre au salon en recevant parfois la visite d’un homme. C’est un temps d’incertitude rythmé par les tracas de la vie quotidienne et les tensions ponctuelles entre ces trois jeunes filles.
Et alors ?
Récompensé par le Léopard d’or au dernier Festival de Locarno et par le prix d’interprétation féminine à Maria Canale, ce premier long métrage de Milagros Mumenthaler surprend par sa force et la maîtrise de la réalisatrice. Un scénario sans doute empreint du propre parcours de la réalisatrice, née en Argentine en 1977 et qui a suivi ses parents, exilés politiques, en Suisse alors qu’elle n’avait que trois mois. Ce pays fut donc pour elle un objet de rêve comme elle le raconte : « L’Argentine est devenue le lieu idéal qui attisait notre imagination. »De retour au pays, à 19 ans, elle a vécu à Mar del Plata chez une grand-mère avant de filer à Buenos Aires pour suivre ses études de cinéma. Si le climat politique d’un pays sous le joug de la dictature du général Videla n’est jamais clairement souligné dans le récit, il est pourtant présent tout au long de ce récit.

Mais, là où la réalisatrice fait merveille, c’est dans l’exploration de l’intimité de ces jeunes filles qui découvrent soudain l’âge adulte et doivent sortir du cocon que l’on sent protecteur de cette vaste demeure. « Ce qui me plaît le plus au cinéma, dit la réalisatrice, c’est l’intime. J’aime partir du quotidien et travailler sur les détails. La question de départ de ce film a été comment traduire ce que ressentent ces trois jeunes femmes ». Elle y parvient par petites séquences, par petites touches qui en disent plus long qu’un discours : vider un garage des souvenirs de la grand-mère, placer une photo sur un mur débarrassé de sa vieille tapisserie, écouter un disque… Car la musique tient un grand rôle dans l’histoire. « Je pense que le choix de la musique parle avant tout d’Alicia, la grand-mère, poursuit la réalisatrice. A travers ses disques, on peut deviner un peu plus qui elle était (…) La musique marque une époque, accompagnée d’une idéologie. Alicia l’a transmise à ses petites filles. » De jeunes adultes qui sont campées miraculeusement par les trois comédiennes au terme d’un long casting et de trois mois de répétition. « Tout au début, le but était qu’elles passent du temps ensemble pour mieux se connaître, ensuite, nous avons fait des improvisations et dès que les personnages ont commencé à apparaître en surface, nous avons travaillé sur le scénario, en profondeur. Il fallait qu’elles comprennent ce qu’il y avait entre les lignes. » Un pari réussi haut la main.

Enfin, il y a le dernier « personnage » capital du récit : cette maison qui garde son lot de mystère et de charme. Un ilot de protection qui prend tout son sens dans le contexte politique argentin. « Ce fut difficile de trouver la maison, car elle existait dans ma tête et dans le scénario mais pas matériellement. Les ouvertures étaient importantes pour moi : je ne voulais pas d’une ambiance claustrophobe. Même si les trois sœurs traversent un moment difficile durant lequel le passé est encore présent, elles sont jeunes et elles regardent vers le futur. La maison devait avoir des fenêtres pour être perméable aux influences extérieures » déclare la réalisatrice.
Comme si la demeure était le pilier familial, l’ultime rempart avant d’affronter la réalité. Et les ombres du passé…
