LE MONDE SELON CASSAVETES

Un bel été de cinéma en perspective avec cinq films de John Cassavetes proposé avec de  nouveaux masters numérisés. Une occasion de redécouvrir l’univers d’un des réalisateurs américains indépendants, au style si original et grand directeur d’acteur. Un cinéaste a la modernité absolu.

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Les films proposés

Shadows (1958); Faces (1968); Une femme sous influence (1968); Meurtre d’un bookmaker chinois (1978) et Opening Night (1977)

Sortie : à partir du mercredi 11 juillet 2012

Trois raisons de voir et revoir ces films

Un vrai indépendant

Acteur, scénariste et réalisateur, John Cassavetes a marqué de sa griffe le cinéma indépendant américain. Né en 1929 à New York et mort à Los Angeles en 1989, il fut d’abord comédien -on se souvient de la superbe série télévisée Johnny Staccato- avant de passer à la réalisation en 1957 avec Shadows. Dès ce premier tour de piste, Cassavetes imprime sur la pellicule des thèmes-clé de son œuvre : quête de l’identité, masques sociaux, goût des gens ordinaires.

Une femme sous influence (#3.2) par birdy66

Toute sa vie, Cassavetes paiera le prix de sa liberté face à l’industrie du cinéma : il a connu bien des galères de financement de ses films. Ainsi pour Faces, description de la vie d’un couple en chute libre,  Cassavetes connaîtra six mois de tournage et trois ans de montage. En 1974, il devra hypothéquer sa maison pour autofinancer Une femme sous influence. Ces difficultés ont nourri ses scénarios. Ainsi dans Meurtre d’un bookmaker chinois, un film de genre signé avec ce polar, quand il décrit la lutte de Cosmo, le « héros » du film face à la Mafia, cela symbolise avec finesse les batailles constantes que le cinéaste livra durant sa carrière face à l’industrie d’Hollywood.

Une réalisation proche du documentaire

Cassavetes ne fait pas de théorie sur le cinéma et la réalisation n’est pas ce qui le préoccupe d’abord. Même s’il a une sacrée maîtrise dans le domaine et révolutionne le cinéma un peu à la façon des cinéastes de la Nouvelle vague française. Evoquant une approche qualifiée parfois de documentaire dans son premier film, Shadows, il rectifie sans ambages : « Un documentaire analyse, examine soigneusement tout, même des émotions mais selon un choix dicté, organisé par le metteur en scène. Même s’il observe des phénomènes naturels, le metteur en scène ne retient que ce qui lui plaît. Je n’ai rien choisi ni retenu, les évènements se sont produits. Et ces évènements étaient plus naturels parce que réels. Ils n’émanaient pas de moi ni de la caméra. Ils émanaient des gens qui les créaient car, dans la vie, vous vivez et dans n’importe quel spectacle vous créez. Autrement, il suffirait de sortir et de filmer, disons, une soirée. »

L’amour des acteurs

John Cassavates a su s’entourer d’une famille d’acteurs qui ont accompagné son aventure cinématographique. En premier lieu, sa femme, Gena Rowlands qui signe pour lui de grands moments de cinéma.  Eblouissante dans le récit d’un couple en crise de Faces; émouvante épouse  dépressive et alcoolique dans Une femme sous influence… l’actrice exprime mieux que personne l’univers de Cassavetes. Pour Opening Night, Ours d’argent au Festival de Berlin, elle fait une prestation encore remarquée dans le rôle de Myrtle Gordon, portrait d’une comédienne de théâtre.

Les autres piliers de la bande sont entre autres Peter Falk et Ben Gazzara. Il faut revoir la prestation de Falk en contremaître de chantier dans Une femmes sous influence ou découvrir Ben Gazzara, en patron d’un night club aux prises avec la Mafia dans Meurtre d’un bookmaker chinois pour mesurer combien ces « amis » ont donné vie à l’univers si original de Cassavetes. Il est vrai, le créateur n’a jamais oublié l’acteur, une pièce essentielle dans son processus de création. « L’acteur est ce qui m’intéresse le plus, disait-il évoquant l’héroïne d’Opening Night, dans lequel il joue également. Car les acteurs n’ont rien d’autre à vendre qu’eux-mêmes, leur façon de communiquer est si spéciale et différente que si quelque chose intervient il est impossible d’exprimer le choc subi par leur esprit, leurs sentiments, la façon dont ils sont blessé. Ils peuvent se ressaisir mais la blessure est importante, elle touche leur personnalité, leur façon de vivre, leur philosophie… »

Autant de raisons qui poussent à replonger sans retenue dans l’univers si fort de John Cassavetes. Un cinéma qui n’a pas pris une ride.

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