LE VOYAGE DE DEUX IMMIGRES

PLAYOFF, de Eran Riklis – 1h47

avec Danny Huston, Amira Casar et Max Riemelt

Sortie : mercredi 4 juillet 2012

Je vote: 3 sur 5

L’histoire ?

1982.  Max Stoller  est un entraîneur de basket israélien d’origine allemande qui accepte de prendre en charge l’équipe nationale d’Allemagne de l’Ouest pour la conduire au championnat du monde de Los Angeles. Il doit affronter deux obstacles :  motiver des  joueurs et faire face aux attaques de la presse israélienne le considérant comme un traître. Mais, il a un autre motif pour rester en Allemagne  :  il revient sur les traces de son enfance brisée par la guerre en 1943.  Cette quête lui fait croiser le chemin d’ femme d’origine turque vivant dans l’appartement où Max vécut quarante ans plus tôt.

Et alors ?

On avait découvert le style d’Eran Riklis dans la trilogie qui se passait au Moyen-Orient, comme Les Citronniers. Cette fois encore, mais pour la première fois hors d’Israël et du contexte politique que l’on connaît, Eran Riklis s’attache à décrire le parcours de personnages dont le parcours s’inscrit dans une prise de conscience des réalités politiques. Cette fois, il le fait à travers l’histoire vraie et adapté pour les besoins du scénario de Ralph Klein.

Issu d’une famille de juifs hongrois, son père fut tué à Auschwitz, le jeune Ralph et le reste de sa famille furent sauvés grâce à Raoul Wallenberg. Après  guerre, Klein joue pour l’équipe nationale de basket de Hongrie avant d’émigrer en Israël avec sa mère en 1951 et d’y faire une belle carrière de jouer au Maccabi Tel-Aviv. Il est ensuite devenu entraîneur de l’équipe nationale du pays qui obtiendra une médaille d’argent au championnat d’Europe en 1979. Et a connu les mêmes campagnes hostiles.

Mêlant les séquences de basket, en décrivant le combat de Max pour remotiver ses troupes quitte à heurter certains égos, et les parcours croisés de l’entraîneur et de la jeune femme turque, Riklis montre comment il est impossible de fuir un passé, surtout s’il est si lourd et douloureux. Le tout, sans jouer sur le pathos, avec notamment les séquences qui tournent autour de la pâtisserie de son enfance. Le cinéaste note : « Le passé est toujours là pour se rappeler à notre souvenir, pour nous rendre la vie plus compliquée, et pour nous faire comprendre qu’il y a toujours un prix à payer pour chaque décision que l’on prend dans sa vie. »

Deux exilés unis par leur quête de la vérité (Danny Huston et Amira Casar)

Décrivant dans des tons de gris l’Allemagne du début des années 80, Riklis s’attache par ces petites histoires à retrouver l’Histoire, à mettre le cheminement de ces deux protagonistes en perspective. Il est servi par deux comédiens au jeu très juste. Danny Huston d’abord qui ne cesse de dissimuler une part d’ombre derrière sa silhouette massive qui dégage, de prime abord, une vraie solidité. Quant à Amira Casar, elle est une jeune femme turque très crédible, aussi fragile d’apparence que solide quand il s’agit de défendre ses convictions.

Un scénario fort qui évite bien des caricatures. Mot de conclusion à Eran Riklis : « Pour l’essentiel, ce film parle de deux étrangers qui ont mis une distance spirituelle et physique avec leur pays d’origine. Ils ont abandonné quelque chose en partant, et ne savent pas bien ce qu’ils vont retrouver en Allemagne, mais ils veulent tous les deux donner un sens à leur quête. Du coup, il leur faudra enterrer ou revivre le passé, et changer le présent et – pourquoi pas ? – l’avenir. » Sans tape-à-l’œil, son film touche par la subtilité des émotions évoquées derrière une mise en scène au demeurant classique.

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