BARBARA, de Christian Petzold – 1h35
Avec Nina Hoss, Ronald Zehrfeld, Rainer Bock, Christina Hecke
Sortie : mercredi 2 mai 2012
Je vote : 4 sur 5
Quezako ?
Un été 1980 en Allemagne de l’Est. Chirurgien-pédiatre soupçonnée de vouloir fuir le pays, Barbara a été envoyée par les autorités dans une clinique de province d’une région reculée. Jörg, son amant qui vit à l’Ouest, prépare son évasion et lui fait passer de l’argent pour payer sa fuite. Dès son installation, Barbara est troublée par les attentions d’André, le médecin-chef de l’hôpital. Elle se demande s’il est réellement amoureux d’elle ou fait partie de ceux qui l’espionnent et rendent des comptes…
Et alors ?
Si Christian Petzold signe ici une chronique politique sur la vie derrière le rideau de fer, il le fait sans céder à l’imagerie habituelle d’un pays gris, industriel avec des personnages portant de couleurs passe-muraille dans un univers urbain de béton et d’asphalte. La région paumée en pleine nature, qui sert de décor à l’histoire, est à la fois ouverte sur le large et une prison à ciel ouvert, malgré les grands espaces, l’absence de barrières, sauf celles de barbelés que franchit la jeune fille qui échappe au camp de rééducation en pleine campagne. 
Jamais, il ne souligne les effets et conserve, tout au long du récit, une part de mystère à ces personnages ce qui renforce le climat oppressant de suspicion permanent. Et, de séquence en séquence, Christian Petzold montre avec finesse les sentiments qui étreignent cette jeune femme qui rêve de liberté. Comme il le souligne : « Il y a aussi cette terrible solitude qui ne vous quitte pas, parce que vous ne reviendrez jamais et que votre vie d’avant va disparaître. Comme le dit si bien l’écrivain Anna Seghers : « Quand vous perdez votre passé, nous n’avez plus d’avenir. »
Mêlant des acteurs nés en Allemagne de l’Est et d’autres venus de l’Ouest, le cinéaste a formé une distribution d’une grande force où la moindre réplique fait mouche dans un décor plus vrai que nature, à la clinique notamment devant laquelle le spectateur se sent projeté soudain dans un passé plus vrai que nature. Le cinéaste note : « Je voulais que l’hôpital du film soit un véritable hôpital, équipé et décoré jusqu’au moindre détail comme dans les années 1980. En le découvrant, nous avons été sidérés de voir à quel point il n’avait rien à voir avec les hôpitaux d’aujourd’hui, où tout est question de flexibilité et de répartition des tâches. »
Enfin, ce film, qui a reçu l’Ours d’argent au dernier Festival de Berlin, est porté par des comédiens dont le jeu est d’une étonnante subtilité. Nina Hoss en tête, qui conserve, tout au long du récit, une part de mystère et tourne pour la cinquième fois avec Christian Petzold. Comme si trop se dévoiler pouvait signifier dans un tel climat politique se mettre en danger. Tout au long de l’histoire, le spectateur reste maître de son jugement et ce n’est pas une des moindres qualités d’un film qui reste longtemps en mémoire, une fois le générique terminé. Nina Hoss remarque justement : « Je ne vous dirai pas ce qu’il faut penser à la fin. Je pense qu’il faut laisser au spectateur la liberté de se faire sa propre opinion. » Ce n’est pas le moindre mérite de son film…


