AU JEU DU DOUBLE « JE »

LE FILS DE L’AUTRE, de Lorraine Lévy – 1h45

avec Emmanuelle Devos, Pascal Elbé, Jules Sitruk, Mehdi Dehbi

Sortie : mercredi 4 avril 2012

Je vote: 3 sur 5

L’histoire ?  Joseph découvre qu’il n’est pas le fils biologique de ses parents après avoir subi les analyses sanguines obligatoires avant de faire son service dans l’armée israélienne. A sa naissance, alors que la maternité était au cœur d’escarmouches, il a été échangé avec Yacine,  dernier né d’une famille palestinienne de Cisjordanie. Une découverte qui provoque un séisme dans la vie des deux familles.

Joseph et Yacine (Olivier Sitruk et Mehdi Dehbi), "confondus" à leur naissance

Et alors ? Sur une histoire qui est tout sauf neutre -dans le contexte politique du pays, l’échange d’un enfant juif et d’un enfant palestinien dans une maternité- Lorraine Lévy signe un film où la tendresse et même l’humour ne sont pas absents. Ainsi dans la séquence où Yacine aide Joseph  à vendre des glaces sur une plage de Tel Aviv. Elle profite du cadre familial pour  faire une caisse de résonance à la crise sociale et politique que vit le pays.

En prime, il est aussi question ici de transmission, de patrimoine culturel… « La famille est un microcosme dans lequel se trouve la genèse de ce que l’on est. Mais c’est quoi d’être un enfant ? C’est quoi d’être adulte ? Peut-on choisir de rester l’un ou de devenir l’autre ? « , note la cinéaste. Autant de questions qui sont renforcées par les personnalités diamétralement opposée de Joseph et Yacine. L’un n’est pas encore sorti de l’adolescence, cultive ses passions musicales quand l’autre est déjà parti loin, suit des études médecine. Le choc de leur rencontre n’en est que plus pertinente.Loin de toute caricature, Lorraine Lévy montre bien comment, pour les parents, qui ont élevé leur fils respectif, avec une vraie tendresse, la découverte de l’autre, et de l’autre culture, de l’autre Histoire, peut provoquer un séisme intérieur. C’est le choc des deux pères qui fait le mieux ressentir la situation entre l’officier de Tsahal, campé avec rigueur par Pascal Elbé, à ce père Palestinien (Mahmood Shalabi) qui ne peut contenir sa rancœur face aux territoires occupés.

Alon (Pascal Elbé) et Orith (Emmanuelle Devos) : le calme avant la tempête

C’est enfin une réussite du film d’avoir réussi un joli casting. En mère juive, médecin de son état, Emmanuelle Devos sait, d’un regard, faire passer toute la tendresse d’une mère, découvrant qu’elle n’a pas couvé le « bon » poussin. Tout comme Khalifa Natour, déjà repérée dans le très beau film, La Visite de la fanfare. Le spectateur n’a alors aucune peine à croire les motivations de ces deux familles, étrangement recomposées. Un tournage fort en souvenirs comme le note la réalisatrice qui raconte ainsi sa découverte du mur coupant le pays. « J‘étais allée plusieurs fois en Israël mais je n’avais jamais vu le mur comme ça. Jamais. L’endroit où nous avons construit le check-point, je l’ai trouvé par hasard. On était en repérages et brusquement, on se retrouve sur cette route étrange, comme un « L » à l’envers avec ce mur qui s’étendait devant nous à l’infini, comme une immense cicatrice, à côté duquel il y avait ce camp de nomade qui est un vrai camp de nomades et, derrière le mur, le village palestinien…. C’était un endroit incroyable, qui racontait beaucoup en une seule image. »

Lorraine Lévy sur le plateau

Entre sourire et émotion, Le Fils de l’autre fait entendre une petite musique personnelle. Et l’émotion est au rendez-vous d’un film construit de façon classique mais simple. Il ne bouleverse certes pas le cinéma mais a des qualités qui peuvent toucher un large public.

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