LE DOCUMENTAIRE D’UN VOL

VOL SPECIAL, de Fernand Melgar

Documentaire – 1h41

Sortie : mercredi 28 mars 2012

Je vote : 4 sur 5

Le sujet ?

Au centre de détention administrative de Frambois, en Suisse, des hommes attendent leur renvoi du territoire .  Après le refus du droit d’asile, ils doivent être expulsés si les ultimes recours en marchent pas. Cette  attente  peut durer dix-huit mois. Neuf mois durant, Fernand Melgar a tourné dans ce Centre, l’un des 28 centres d’expulsions pour sans papiers de Suisse .

Trois raisons d’aller découvrir ce film ?

Fernand Melgar a pris le parti de l’immersion dans un lieu, de montrer une réalité au quotidien sans alourdir le propos d’un commentaire. Son montage suffit à proposer un point de vue, à montrer la vie tant du point de vue des expulsés que de celui du personnel administratif (comme son directeur, ci-dessous) qui, dans la majorité des cas, a accepté d’être filmé à visage découvert. Le spectateur vit donc au plus près Le directeur de Framboisla réalité quotidienne de Frambois. On n’est pas dans la froideur des chiffres, dans l’approximation d’un discours politique de campagne, on plonge dans le réel. Il voit ce qu’une loi a comme conséquence humaine.  Le cinéaste dit : « Il m’est apparu urgent de faire un un film pour montrer la réalité méconnue de la détention administrative et des expulsions forcées. « Vol spécial » est un peu le produit de tout le débat qui s’est tenu entre 2009 et 2010 en Suisse sur le renvoi des « criminels étrangers » donc aussi, de manière large, sur le renvoi des étrangers indésirables. J’avais besoin de montrer en images ce qui est devenu une abstraction pour le citoyen suisse. » Il permet aussi à un Français d’imaginer la situation de tels hommes dans les centres de l’Hexagone, et ce d’autant plus que Frambois est considéré -et fut d’ailleurs critiqué par certains suisses- comme un établissement très moderne, presque pilote.


A ce propos, on est surpris de voir la liberté laissée par les autorités suisses à un cinéaste pour tourner dans un tel cadre. Même quand le voyage tourne au drame -un rapatrié est mort d’une crise cardiaque alors qu’il était ligoté sur un fauteuil pour monter dans l’avion- Fernand Melgar a le droit de témoigner, de capter les réactions des autres détenus.  On se demande si, chez nous, il aurait une telle latitude…

L'attente d'un départ forcé

C’est aussi la vraie force d’un documentaire : Melgar ne se cache pas, pose ouvertement sa caméra avec l’assentiment de tous les acteurs, ce qui confère à l’ensemble un réalisme saisissant et ne peut que susciter la réflexion, ouvrir le débat. Il souligne : « Je fais du cinéma avec les gens, je les accompagne. Cela ne me dérange pas quand, dans un plan, il y a un regard vers la caméra. Cela permet de ne pas oublier qu’on est dans le réel, pas dans une fiction avec des rôles, écrits et joués. Je ne tourne pas en caméra cachée et je ne fais pas de mise en scène. Je mets en place une captation de la réalité, quand tout le monde est d’accord de jouer le jeu. Si, après un tournage, quelqu’un n’est pas content de ce qui se passe, il peut se retirer. Je ne fais pas d’interviews pour éviter la mise à distance. Je veux être au cœur du réel. » Avec une telle écoute, le spectateur ne peut qu’être captif d’un documentaire audacieux qui a le mérite d’échapper aux propos de café de commerce et de provoquer une réflexion sur nos démocraties et des problèmes qui la bouleversent et ne peuvent être résumés à quelques tracs électoraux. Le cinéaste juge ensuite le spectateur assez intelligent pour se faire une idée lui-même. C’est plutôt réconfortant, non ?

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