TROUFIONS
Film écrit et réalisé par Thierry Demaizière et Alban Teurlai
Diffusion sur France 2, mardi 27 mars 2012, 23.00
Mon avis : 3 sur 4
Ils sont cinq. Cinq soldats français qui ont fait la guerre d’Algérie comme de simples appelés. Cinquante ans après la fin de la guerre, ils ont décidé de parler pour la première fois. Un documentaire fort et émouvant.
Ils sont devenus paysans, instituteurs, fonctionnaires… Ils n’ont jamais parlé à leurs proches de ce qu’ils ont vécu ou fait là-bas, en Algérie. Comme si le mutisme pouvait
conduire à l’amnésie. Les deux réalisateurs sont parvenus à faire remonter à la surface les souvenirs longtemps enfouis de ces appelés. Installés dans leur salon, au bord d’un champ, devant une sculpture, ils témoignent à visage découvert sur ce que fut « leur » Algérie. Comme dit l’un d’eux : « Il faut parler avant qu’il n’y ait plus de témoins… »
Sans effets de manche, les deux réalisateurs captent cette parole enfouie d’une caméra discrète ce qui ne donne que plus de poids aux propos. La force du film, le talent des auteurs, c’est d’avoir su capter cette parole si longtemps tue, prendre le temps de les entendre parler du quotidien d’un bidasse en ALgérie, des copains tués, mais aussi de la torture et même des viols. En tentant de comprendre pourquoi ces hommes ont si longtemps cultivé le silence, quitte à faire des cauchemars la nuit. Un regard, un tremblement dans la voix en dit alors plus long qu’un long discours sur des hommes qui virent leur jeunesse saccagée par une guerre sans gloire. C’est ce paysan qui note faisant le parallèle avec 39-45 : « Tout ce que la Gestapo a fait, on l’a fait aussi. »
Avec ces témoignages croisés, on découvre comment le distingo entre torture et « interrogatoires poussés » perdurent entre les anciens d’Algérie. Ce qui fait dire à cet ancien fonctionnaire : « Si nous n’avions pas interrogé le type, la colonne aurait pu être détruite dans le guet-apens qui était prévu le lendemain. »
Et d’évoquer alors ces copains retrouvés morts le sexe coupé dans la bouche.
Le pire dans ce documentaire fort, c’est de voir comment, au cœur de l’institution militaire, ces jeunes appelés qui, pour la plupart, n’avaient pas beaucoup bougé de leur région, regrettent de ne pas avoir alors réagi. Réagir face aux viols cela va sans dire, mais réagir aussi quand un officier abattait le bourricot, seule richesse d’un pauvre paysan. A voir ces visages burinés, à croiser leur regard, on mesure à quel point « cette » guerre a laissé tant de stigmates. Et fut bien une des plus sales guerres qui soit, s’il est encore possible de faire un choix entre les conflits.
