CLANDESTINS : UNE FABLE MODERNE ET CRUELLE

TERRAFERMA, d’Emanuele Crialese – 1h28

avec Filippo Pucillo, Donatella Finocchiaro, Mimmo Cuticchio, Giuseppe Fiorello

Sortie : mercredi 14 mars 2012

Je vote : 4 sur 5

Le sujet ? Filippo et son grand-père ne parviennent plus à vivre de la pêche traditionnelle sur la petite île où ils vivent au large de la Sicile. Un jour, ils sauvent de la mer un groupe de clandestins africains sur le point de se noyer. Au même moment, la mère de Filippo, jeune veuve, décide de louer la maison familiale aux touristes pour trouver quelques revenus. Malgré l’interdiction des autorités, les intimidations, la famille décide de suivre la solidarité des gens de mer et de s’occuper de cette Africaine et ses deux enfants, dont un bébé qui est né sous leur toit…

Et alors ? On savait le talent d’Emanuele Crialese pour filmer les paysages austères du sud de l’Italie, ces îles volcaniques plantées au milieu de la Méditerranée. Il retrouve le décor de Respiro pour signer une fable politique qui fait du bien en ces temps où la question des immigrés et des clandestins fait renaître des débats lourds de symboles. Il assume son regard engagé et déclare : « Je ressens un sentiment de révolte à l’idée d’être traité comme un enfant désobéissant à qui l’on dit encore « attention à l’homme noir qui te mange tout entier ». .. C’est la rengaine que nous entendons depuis des années, c’est l’instrument utilisé pour nous rendre plus dociles, plus fragiles, pour susciter en nous un plus grand besoin de protection.  »

L'insouciance face à la misère des clandestins

Un vieux pêcheur qui ne se résigne pas (Mimmo Cuticchio)

Toute l’astuce du cinéaste est de raconter une histoire, riche en personnages forts, pour décrire la situation. Pas de longs discours mais une attention de tous les instants à des gens, vivant à la dure, mais pour lesquels le mot solidarité n’est pas vide de sens. Pour ce faire, il joue avec beaucoup de finesse sur le mélange de vrais comédiens et d’amateurs,  parvenant à faire exprimer bien des émotions par des figurants découvrant l’univers du cinéma et jouant sans filet ou presque. On ne peut enfin que tomber sous le charme du personnage du grand-père avec sa belle tête burinée, joué par Mimmo Cuticchio. Avec une belle économie de mots et de gestes, il parvient à exprimer tout l’honneur d’un homme qui se bat même si son métier n’a plus d’avenir. Et n’a qu’une règle de conduite : la dignité des actes.

Le cinéaste sur le tournage

Enfin, Crialese sait jouer avec de très belles séquences maritimes -sur et sous l’eau- qui sont comme autant de symboles. L’avenir pour ces familles de pêcheurs est-elle de jouer les guides pour touristes en mal de tourisme maritime, de danses et de bruits ou consiste t-il à défendre ses valeurs, quitte à se rebeller contre l’autorité ?  Terraferma est un film qui a le mérite de ne pas se cantonner dans le tiède. Et offre une vraie réflexion politique dans un récit bien mené…

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