Avec La Vie est un choix (Ed Plon), Yvet Boisset revient, à 71 ans, sur une carrière riche au cinéma comme à la télévision, un média qu’il ne méprise pas du tout contrairement à certains confrères. 5 raisons de lire ce bouquin
Le parler vrai. Pour un cinéaste qui a toujours, de film en film, chercher la vérité, le parler tiède n’était pas attendu. Yves Boisset échappe à ce risque, dit franchement son avis sur certains artistes, quitte à lutter contre quelques images d’Epinal, que ce soit avec Gérard Depardieu que Philippe Noiret, blessé sur le tournage du Taxi mauve de voir Fred Astaire lui voler la vedette. Il rapporte la remarque courroucé du comédien qu’il tentait de réconforter : « J’avais aussi remarqué que sur ce film je n’étais qu’un figurant. Y compris pour le metteur en scène. »
Des portraits sans faux-semblant. Même quand il aime, Boisset ne met pas du miel dans ses souvenirs. Ainsi, il montre comment Patrick Dewaere, écorché parmi les écorchés, scella leur amitié en lui mettant une droite en plein visage avant d’en prendre une en retour. « Tourmenté, Patrick l’était suffisamment dans la vie pour qu’il soit inutile d’en rajouter avec lui, en lui faisant jouer des loosers avec lesquels il avait tendance à s’identifier. » De même, il ne joue pas les mots pour montrer comment Jacques Spiesser sacrifia une bonne partie de son talent aux paradis artificiels après sa rupture avec Isabelle Huppert.
Les pièges de la censure. De RAS à L’Affaire Dreyfus, Boisset a connu tous les méandres de la censure : contrôles fiscaux, menaces du SAC, blocages administratifs, militaires notamment. Filmer vrai n’est point un métier de tout repos. Cela frise parfois le ridicule. Ainsi quand la commission de censure accepta de ramener l’interdiction au moins de 13 ans de Dupont Lajoie si l’on coupait l’image du sexe d’Isabelle Huppert « entrevu » dans la scène célèbre de viol, alors que ledit plan n’a jamais existé et que la comédienne portait une petite culotte. Et d’écrire : « Une histoire qui démontre, une fois de plus, l’insondable incompétence des censeurs de l’époque mais aussi leur perversité. Car s’ils n’avaient matériellement pas pu voir le ventre délicat d’Isabelle Huppert, ils l’avaient, dans leur lubricité, sans doute imaginé… » (lire son récent témoignage sur Rue 89)

Des rencontres marquantes. Aspirant cinéaste, Boisset a bossé pour quelques figures du cinéma, ce qui donne des pages étonnantes sur Stanley Kubrick qui lui commanda des repérages coûteux pour 2011, l’odyssée de l’espace, dont il n’utilisa pas au final les conclusions. Ou le portrait haut en couleur de Vittorio De Sica qui sacrifia sa carrière aux plaisirs du jeu. Sans parler de souvenirs forts avec Jean-Pierre Melville dont on apprend qu’il fut l’artisan du changement de look d’un certain… François Mitterrand. Il raconte aussi comment Melville se montra si désagréable avec Charles Vanel que Jean-Paul Belmondo lui manifesta son soutien au point de quitter le tournage de L’Aîné des Ferchaux. « Une personnalité complexe que celle de Melville, il pouvait être injuste, mesquin, cruel même. Mais il était difficile de résister à son charme. Et si on voulait bien s’en donner la peine, on apprenait énormément à son contact. »
Les dessous de ces enquêtes. Pour tous ces films, Boisset a fait de longues recherches pour traquer la vérité derrière la légende, le médiatiquement correct. Ainsi, il raconte comment un vieux monsieur lui confia, avant le tournage de son Jean Moulin, comment il avait été le dernier amour du chef de la Résistance, expliquant ainsi sa façon de diriger, in fine, Charles Berling .
Bref, à la lecture de ce gros bouquin, on pénètre, non sans plaisir, dans les coulisses du cinéma tel qu’il est vraiment. Ce n’est pas la moindre réussite des souvenirs évoqués ici par Yves Boisset.
ZOOM SUR
L’Attentat (1972)-tournage
Le Juge Fayard dit « Le Sheriff » (1976)
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le juge fayard « dit le sheriff » yves boisset par fandor91
