KHODORKOVSKI de Cyril Tuschi
Sortie : mercredi 9 novembre 2011
Je vote : 4 sur 5
Quezako ? Pourquoi Mikhail Khodorkovski est passé du statut d’oligarque russe, patron de Ioukos, la plus grande compagnie russe privée, à celui de prisonnier le plus célèbre de la Russie de Poutine ? Un réprouvé qui vit aujourd’hui dans une colonie pénitentiaire proche de la frontière chinoise à 6 000 kilomètres de Moscou. A l’aide de témoignages de proches -sa mère ou d’anciens employés de Ioukos sans parle de quelques mots de Khodorkovski lui-même dans sa cage de verre- Cyril Tuschi donne plusieurs pistes pour percer ce nid de mystères. Un portrait à charge du régime soviétique sous Poutine.
Et alors ? Tuschi réussit une prouesse : mettre en images, y compris par d’astucieuses images d’animation, un documentaire complet sur l’oligarque, son parcours, ses engagements politiques. Et ce en tournant même en Russie et près de la prison de Khodorkovski, officiellement condamné pour escroquerie et évasion fiscale. Il montre notamment les relations ambivalentes que les Russes entretiennent avec le prisonnier.
Car, chez lui, l’homme n’apparaît pas comme un pur martyr. Ainsi les jeunes que la caméra saisit dans la belle séquence d’ouverture et dont l’un d’eux lance à la caméra : « Je le connais, il a volé beaucoup d’argent à la Russie. » Tuschi montre bien comment cette histoire a des accents de polar mettant aux prises deux géants dans leur genre : Khodorkovski et Poutine himself. C’est cet affrontement qui est clairement analysé et explique la chute de l’oligarque le jour où il décidé de passer dans l’opposition à Poutine, aussi peu porté sur la démocratie classique que les tsars d’antan. On mesure aussi à quel point la prison modifie l’image de marque d’un homme, fut-il critiqué, en Russie; Tuschi remarque : « La prison fait de vous un vrai Russe, vous rapproche du peuple ordinaire et vous permet de figurer dans la lignée des victimes du goulag. »
Justement, Tuschi ne décrit pas un héros et met en lumière les zones d’ombre du personnage, notamment durant son ascension politique. Mais, à l’heure où Poutine a dit qu’il comptait briguer un nouveau mandat à la tête du pays, on mesure comment la corruption tient de ligne politique dans ce pays. Un documentaire difficile mais très fort qui a nécessité quatre ans de tournage et dix-huit mois de montage dans les conditions ardues que l’on peut imaginer. Car, dans la Russie actuelle, la liberté d’expression reste un combat de tous les jours.


