Nanni Moretti : audacieux mais décevant

Habemus papam

de Nanni Moretti

Sortie : depuis le mercredi 6 septembre 2011
Je vote : 3 sur 5
Les raisons du plaisir

Moretti ose une fois encore. Raconter la crise de foi d’un Pape élu par surprise et qui refuse d’assumer sa charge, c’était gonflé. Saisir le désastre -imaginons une seconde la pagaille mondiale si le Pontife, nouvellement choisi, préférait se soustraire à toute couverture médiatique pendant une semaine- pour le tourner sous la forme d’une farce, cela reste culotté. D’autant plus que Moretti ne joue pas un anticléricalisme de base : il préfère assumer son athéisme par la voix de son personnage psychanalyste qui le confesse sans détour à un prélat et en décrivant l’univers du conclave comme une réunion d’hommes au final très prosaïque : ils ont la trouille d’y aller, rêvent d’aller voir une exposition du Caravage pour se payer une pâtisserie sur le chemin du retour, font du vélo d’appartement ou n’hésitent pas à taper le carton pour tuer le temps. Le plus intéressant in fine, c’est la métaphore théâtrale quand le Pape incognito dans les rues de Rome avoue : « Je suis un acteur. » Car, dans ce décor d’opérette qu’est le Vatican, tout tourne autour des apparences. Et du jeu d’ombres : le point culminant étant ce garde suisse qui remue les rideaux pour faire croire à la présence pontificale. A cet égard, la séquence d’ouverture du film, mêlant les images de l’enterrement de Jean-Paul II et celle d’un conclave où le moindre déplacement des cardinaux est filmé par une kyrielle de caméras, atteste d’un decorum réglé comme du grand spectacle. On est dans l’artifice porté à son comble.

Nanni Moretti : le sport contre la crise de foi

Pour terminer, il faut évoquer la prestation d’un Michel Piccoli qui campe, avec une économie de gestes, un Pape âgé mais resté solide : sa course poursuite dans les rues de Rome pour échapper aux policiers chargés de sa protection atteste de sa verdeur Avec sa figure ronde, comme absente des tracas qu’il provoque, Piccoli est le doute incarné. Tout se joue entre la rondeur de sa silhouette, son calme apparent même s’il est intérieurement torturé, et la figure sèche, celle d’un oiseau de proie sarcastique, du psy campé par Moretti.

Les raisons d’une déception

Le choix de Moretti de faire deux films en un –une intrigue presque policière autour de l’homme qui disparaît et une fable métaphysique– ne sauve pas son opus d’une lenteur certaine.  Y contribue même… Malgré l’accélération de certaines séquences -celle surréaliste en diable du match de volley entre cardinaux désœuvrés notamment ou la soudaine fuite pontificale dans les rues de Rome- l’histoire a du mal parfois à rebondir. Même si Moretti sait faire repartir une atmosphère d’une formule – ainsi quand le psy interroge le chargé de communication du Saint-Père d’un « Peut-on évoquer les fantasmes du pape ? » – on reste parfois spectateur d’une histoire invraisemblable. Au passage, face au jeu de Piccoli, on trouve les limites de celui de Moretti qui semble parfois une caricature de psy. Au final,  on se demande alors ce qu’un Buñuel aurait fait avec un tel thème en poussant les conclusions du scénario vers une issue plus noire, surréaliste, anti-religieuse en diable…

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HABEMUS PAPAM de Nanni Moretti – Bande annonce -… par Vernoris

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