UNE BABYLONE BULGARE

TAXI SOFIA, de Stephan Komandarev- 1h43

Avec Vassil Vassilev, Ivan Barnev, Assen Blatechki

Sortie : mercredi 11 octobre 2017

À mon avis : 4 sur 5

 

Le pitch ?

Lors d’un rendez-vous avec son banquier, un petit entrepreneur qui travaille comme chauffeur de taxi pour arrondir ses fins de mois découvre que le montant du pot de vin qu’il doit verser pour obtenir son prêt a doublé. Désemparé, l’homme tue le banquier et se suicide. Le drame suscite un débat national à la radio au sujet du désespoir qui a saisi la société civile. Pendant ce temps, cinq chauffeurs de taxi et leurs passagers roulent dans Sofia la nuit, chacun dans l’espoir de trouver un avenir meilleur.

2 raisons d’y aller ?

Une vision de la Bulgarie nocturne. Stephan Komandarev a eu l’idée originale de raconter la vie actuelle du Bulgare moyen à travers la vie des taxis de Sofia qui ressemblent un peu à des « services sociaux. » Et dont les conducteurs travaillent de nuit pour compléter un salaire et survivre, même s’ils sont prêtres. En plaçant sa caméra à côté des chauffeurs le temps d’une nuit hivernale, le réalisateur montre les stigmates d’une société malade à laquelle, comme le dit un protagoniste, il faudrait « changer le cœur ».

Cet ancien médecin – il a travaillé cinq ans comme pédopsychiatre – ausculte donc cette Bulgarie qui est passé du socialisme au libéralisme et se cherche des repères entre petits boulots de survie, alcool et tabac. Nourri de faits divers bien réels mais enrichis par son imagination, son constat est d’un désespoir criant et devrait susciter des débats en Bulgarie mais pas que dans son pays natal. Commentaires du cinéaste : « Je vis en Bulgarie, où j’élève mes deux enfants. Quand je les regarde, je ne peux pas m’empêcher de me demander dans quel genre de monde ils vivront une fois adultes. Qu’est-ce qui les attend, à quoi doivent-ils s’attendre ? Et comment renverser le déclin actuel des valeurs sociales et éthiques ? »

Une réalisation en forme d’un uppercut. En prenant le parti d’un film en majorité tourné dans des taxis et de nuit, Stephan Komandarev a pris un grand risque de monotonie. Il s’en tire haut la main avec une grande économie de mots. Il suffit de regarder par les fenêtres des véhicules la vie (ou l’absence de vie le long de ces chaussées anonymes et dans ces HLM sinistres) pour mesurer la déliquescence d’un pays où la prévarication règne en maître et où les habitants survivent. A cet égard, le monologue du greffé du cœur dans la scène finale où il agresse verbalement le prêtre-chauffeur qui lui propose de prier pour  sa santé montre bien une société où l’humain n’est qu’une donnée variable.

Pour parvenir à ce résultat, le cinéaste a soigné la préparation, comme il le raconte : « Nous avons fait beaucoup de répétitions avant. Nous avons tourné une première fois tout le film avec une petite caméra, les comédiens et les taxis. Nous avons fait le montage qui était de 1h45 avant le tournage principal ! Nous avons regardé cette version du film avec mes comédiens et toute l’équipe. Nous avons discuté tous ensemble de beaucoup de choses et ça nous a beaucoup aidé avant de commencer le « vrai tournage ».

Un constat sombre sur la Bulgarie à l’heure de la mondialisation mais qui nous interroge aussi sur la société que nous construisons. Quand la lumière revient sur ces quartiers sans âme, le spectateur peut se demander s’il n’a pas fait un cauchemar…

 

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