Entre le rire et la tragédie, la frontière est, il est vrai, ténue et l’incident de la lettre au Père Noël témoigne bien du climat de peur dominant dans le pays où la simple missive, naïve, d’un gamin peut mettre en péril l’équilibre familial. De même la séquence des vœux de Réveillon qu’il faut trafiquer pour faire disparaître la vedette de l’émission qui a pris le chemin de l’exil, donne lieu à quelques moments surréalistes qui explique bien comment la censure était omniprésente et les risques permanents. « À Bucarest, on répétait qu’une personne sur dix travaillait pour la Securitate et qu’une sur
quatre était un mouchard« , raconte le cinéaste.
Bien entendu, le clou de l’histoire est la manifestation du 21 décembre 1989 à 12h08, quand Ceaușescu est hué pour la toute première fois en public et que le peuple le découvre en direct à la télévision, jusqu’ici objet d’embrigadement et de propagande.
Avec l’utilisation judicieuse du Boléro de Ravel, pour rythmer ces destins croisés, avec l’utilisation de la caméra portée, du format 4:3 et le travail de colorisation des images pour se rapprocher esthétiquement de celles des archives, ce film restitue le « spectacle » de ce régime à l’agonie et de personnages qui, isolés dans leur petite vie, font parfois montre d’un grand courage et ose élever la voix.
