Le propre de l’ouvrage collectif est l’inégalité des contributions et ce livre ne fait pas exception à la règle avec certains textes qui sont davantage un résumé fouillé et universitaire d’un film qu’une analyse prenant un peu de recul. Pour autant, il offre des approches très variées de cette relation riche. Ainsi, à plusieurs reprises, on voit à quel point Richard Wagner fut indispensable pour accompagner certains films. Ainsi, en évoquant Apocalypse Now, dans sa version longue, la plus aboutie et fidèle à l’idée de départ de Francis Ford Coppola, Hugo Dervisoglou évoque la « théologie guerrière » d’hommes devenus vulnérables à la folie, en montrant que la représentation la plus éclatante de celle-ci apparaît « dans l’usage de la charge des Walkyries, de Wagner au cours de la séquence de l’attaque d’hélicoptères. Une filiation s’établit, à cet instant, entre les GI’s américains et le compositeur d’opéras, favori de Hitler, dont l’œuvre est nimbée de culture germaniste guerrière.«
Si certains opéras sont si incontournables qu’ils ont inspiré plusieurs adaptations, comme Carmen (y compris au temps du Muet), on voit à quel point ce genre a marqué des cinéastes de renom qui s’en sont inspirés plus ou moins directement : de Fellini à Werner Herzog, en passant par Orson Welles dans Citizen Kane, évoquant le mariage malheureux entre un milliardaire, Charles Foster, magnat de la presse, et une chanteuse et patronne d’un médiocre cabaret, Susan Alexander, dont il voulait faire la plus grande cantatrice de son temps.
L’Opéra à l’écran remet enfin dans la lumière des opus oubliés comme Une aussi longue absence, de Henri Colpi qui reçut pourtant la Palme d’or à Cannes en 1961 (ex-aequo avec Viridiana, de Luis Buñuel) et s’inscrivit dans la lignée d’un réalisme poétique. Il mettait en scène un clochard (campé par Georges Wilson), devenu amnésique, et dont la vie change quand une femme croit reconnaître en lui son mari disparu quinze ans plus tôt, parce qu’il passe devant son bistrot… en fredonnant des airs d’opéra.
Par ces entrées diverses permettant une lecture à géométrie variable, ce livre offre un large panorama d’un genre qui reste une grande source d’inspiration sur grand écran. En prime, bien des cinéastes, tel Patrice Chéreau, ont aussi signé la mise en scène d’opéras purs, c’est dire la porosité entre ces deux arts, jouant, chacun à sa manière, sur des chocs entres les musiques et le visuel.
(*) Ed. Gremese
