La vie tranquille des bourreaux…

Ce travail de fourmi a permis un réalisme qui fait froid dans le dos tant on a l’impression de suivre le quotidien d’une paisible famille où la mère s’occupe avec tendresse de ses enfants et attend son mari rentrant le soir avec le sentiment du devoir accompli. Dans cette recherche, les photos de la villa des Höss ont permis au chef décorateur, Chris Oddy, un travail minutieux pour restituer la maison et des jardins du bourreau, notamment celle où Hedwig et ses enfants se tiennent debout devant un toboggan en bois. Même les salauds purs peuvent éprouver des sentiments et cela fait froid dans le dos.

Le résultat est un film qui ne peut que mettre mal à l’aise tant ces bourreaux sont des gens ordinaires, avec leur petit bonheur familial et leur fonctions dont il s’acquitte avec ferveur et consciencieusement. Des séquences font froid dans le dos : ainsi quand, invité d’une grande soirée nazie, Rudolf Höss contemple l’assemblée du haut d’un balcon se demandant s’il pourrait gazer tant de gens… avec une si haute hauteur de plafond.

Pour les deux comédiens – auteurs de compositions impeccables – tourner en sol allemand n’a pas été chose simple, car, pratiquement, ils auraient pu être les descendants d’un tel dignitaire. Sandra Hüller, qui aurait mérité largement un double Prix d’interprétation à Cannes (avec Anatomie d’une chute), le choix fut difficile. Elle raconte : « Je m’étais dit que jamais, jamais je ne jouerai une nazie. C’était un réel défi pour moi de le faire. Quand des gens tournent sur cette période de l’Histoire, ils le font avec une dimension glamour qui me dégoûte. Ça suscite une sorte de sentiment de pouvoir. Voilà pourquoi je ne voulais pas le faire. »

En tout cas, une œuvre aussi singulière que brillamment mise en scène. Un très grand film, fort justement récompensé à Cannes par un Grand Prix du jury !

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