Et, avec ce style d’histoire, et le thème central du scénario, il fallait des comédiens qui lâchent prise et prennent bien des risques. Emmanuelle Devos campe ici la mère de famille qui essaie de nier la réalité et fait tout pour préserver le cocon familial. Une femme qui symbolise les ravages de la honte comme le souligne Joachim Lafosse : « Le crime provoque l’effroi, l’effroi provoque le silence qui engendre la culpabilité et la honte. On a tort de juger le silence, il faut l’interroger, c’est un symptôme. Il ne faut jamais oublier que le silence n’est pas le crime et que derrière toute personne silencieuse, il y a une épreuve, une difficulté à dire, une fragilité. » Le film a d’ailleurs été inspiré par l’affaire Victor Hissel, ancien avocat des familles victimes de Marc Dutroux, qui fut condamné à dix mois de prison pour détention d’images à caractère pédopornographique.
C’est Daniel Auteuil qui a accepté d’endosser le costume sur-mesure de ce ténor du barreau. Le cinéaste commente : « Lors de notre première rencontre il m’a dit : « je vais tenter de faire vivre le personnage avant tout jugement. Je peux le jouer parce qu’à mes yeux, la perversion est un mécanisme de défense – c’est le pire mais c’en est un. François est un homme qui se débat pour qu’on ne sache pas. C’est un homme qui ne peut regarder la vérité sans quoi il s’effondrerait ». » À l’écran, Daniel Auteuil signe une composition d’autant plus brillante que sa froideur et sa maîtrise de la parole en font un personnage des plus inquiétants.
Sans effets de manche visuels, avec un dialogue ciselé, Un silence est une peinture cruelle et dérangeante de cette bourgeoisie de province, si souvent décrite par un Claude Chabrol. Le tout étant accompagné par une critique ironique du monde médiatique.
