Godard, le provocateur`

S’il fut un cinéaste autant adulé que détesté, Jean-Luc Godard, l’homme à la diction métallique, reste un génie de la provocation. Ce rejeton de la haute bourgeoisie protestante franco-suisse a durant toute sa vie entretenu une révolution permanente sur grand écran quand d’autres camarades de la Nouvelle Vague, comme François Truffaut et Claude Chabrol, semblaient plus réformistes et plus assagies.

Avec des films au succès pas toujours au rendez-vous, loin de là, Jean-Luc Godard a tout tenté : de la citation à l’invention en passant par le dazibao, la chanson (celles des Rolling Stones, comme celles d’un Léo Ferré), la chronique de ses amours, le regard sur les tensions sociales. Il chroniqua ainsi de manière critique les jeunes maoïstes de Nanterre dans La Chinoise, en 1967, ou « annonça » à sa manière déjantée Mai 68 dans Week-end la même année. Et quand, après des années de recherche, il refit appel à des acteurs de renom – d’Isabelle Huppert à Nathalie Baye, en passant par Johnny Hallyday ou Alain Delon – c’était toujours pour leur faire prendre des risques, les sortir d’un certain confort du jeu.

Godard avait conçu les images comme un terrain de liberté mais aussi de bien des mystères, nous invitant nous-aussi à sortir de nos certitudes et à lâcher prise. Dans un entretien au Nouvel Observateur en 1980, il avait eu une des formules cinglantes dont il avait le secret et qui en disait long sur sa vision créatrice : « J’essaie de risquer la mort de ce que je sais faire comme la seule possibilité de survie. ».

En guise de conclusion provisoire à sa trajectoire solitaire, il avait signé en 1998 l’essai-vidéo Histoire(s) de cinéma (1889-1999), projet monumental en huit épisodes diffusés sur Canal + dans lequel il disait sa fascination et son érudition sur cette part incontournable de l’art au XXe siècle. Un cinéaste qui a toujours eu un regard critique sur l’information et la télévision.

Quittant discrètement la rampe dans sa maison de Rolle, au bord du lac Léman, Godard sera inhumé « sans aucune cérémonie officielle« , selon l’annonce de sa dernière compagne, la réalisatrice Anne-Marie Miéville. Un geste logique pour celui qui fuyait les honneurs et n’était pas venu recevoir à 83 ans, au Festival de Cannes le Prix du jury, récompense symbolique pour son Adieu au langage, l’histoire (filmée en 3D) d’un chien qui parle à la place de maîtres ayant perdu toute notion d’un langage commun. Godard, éternel trublion des images.

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