Des mères « enchaînées »

En nourrissant sa fiction du personnage d’une gardienne qui est aussi confidente de ces détenues au statut bien particulier – celui de jeune mère – Péter Kerekes montre bien comment, personnels pénitentiaires et détenues connaissent un enfermement qui sans être identique bien sûr réduit leur champ visuel et délimite leur vie. Ainsi, même chez elle, la gardienne découvre la vie privée des détenues en surveillant le courrier reçu par leurs maris.

En parallèle, 107 mothers décrit aussi avec beaucoup de finesse les relations entre les mères et les nouveaux nés, la question de la maternité (le film s’ouvre sur un accouchement), avec les moments de joie suivis de moments de profonde déprime. Avec des personnages au parcours saisissant comme cette détenue, solidement incarnée par Maryna Klimova, qui a tué son mari par jalousie et a été emprisonnée alors qu’elle était enceinte. La comédienne a su s’adapter de façon étonnante à un casting constitué en majorité par des femmes incarcérées, ce qui donne un grand réalisme à l’ensemble.

Les « hasards » de l’actualité font que ce film, écrit bien avant le conflit en Ukraine et qui est un mélange de fiction et de documentaire, prend aujourd’hui une résonance particulière… Avec le clin d’œil final à une scène célèbre du Cuirassé Potemkine. Et le cinéaste de conclure : « Une journaliste tchèque m’a posé la même question. Je lui ai répondu que mon film n’avait pas de lien direct avec ce qui se passe en Ukraine, qu’il était universel et qu’il aurait pu être filmé n’importe où. Elle m’a dit que la situation des mères ukrainiennes, réfugiées dans des abris, allaitant leurs enfants, est totalement la même que celle des détenues du film. Elles sont enfermées, ne savent pas quand elles vont sortir. Elle avait raison. »

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