Une fable cruelle sur l’euthanasie

Par petites touches, Chie Hayakawa montre avec délicatesse et en évitant tout manichéisme, comment il y a une espèce d’apathie face à la douleur des autres et comment le business de la mort face aux personnes âgées, isolées et désargentées peut être un cauchemar devenant réalité dans un futur proche.

Au passage, elle décrit bien les ravages d’un libéralisme forcené où les « vieux » sont dégagés des services de chambre des hôtels quand l’une d’entre elles meurt au travail ou comment la rentabilité affecte même ces sociétés d’euthanasie. Introduisant le personnage de l’aide-soignante philippine, confrontée au tri des objets appartenant à ces défunts isolés – tout est dans le détail quand un de ses confrères échange ses lunettes contre celles d’un défunt- on mesure les ravages silencieux d’un capitalisme sauvage. Et ce d’autant plus que cette jeune femme philippine accepte un tel job pour payer une opération cardiaque à sa fille restée au pays.

Le seul bémol donné à ce film audacieux tient à un rythme parfois trop lent, même si symboliquement il épouse la vie au ralenti de ces personnes âgées qui soufflent pour monter un étage, et la tension imprimée dans la séquence d’ouverture aussi magistrale qu’inquiétante perd un peu de son impact. Au demeurant, dans la lignée d’un film comme La Ballade de Narayama, de Shohei Imamura, inspiré de la tradition de l’ubasute -une pratique consistant à porter un infirme ou un parent âgé dans un endroit éloigné et désolé pour le laisser mourir – Plan 75 nous interpelle avec force.

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