Le cinéma fut aussi pour lui une manière de mettre à distance certains drames personnels. S’il ne tourna pas dans Ça n’arrive qu’aux autres, en 1971, Nadine Trintignant évoque la tragédie de la perte de l’enfant en bas-âge, Pauline, qu’elle avait eue avec lui, et dans laquelle Catherine Deneuve et Marcello Mastroianni « jouaient » leur couple. Mais la mort brutale de sa fille Marie en 2003 sera pour le vieil homme un deuil impossible, même s’il affronta le choc avec une grande dignité. « Ce n’est pas parce qu’elle est ma fille, c’est parce que c’est quelqu’un d’extraordinaire » avait-il déclaré dans La Passion tranquille, son livre de souvenirs en 2002.
C’est la lecture des poètes qui lui permettra de surmonter cette blessure jamais refermée. Il reviendra dire alors dire ses poètes de chevet – Prévert, Vian ou encore Desnos- sur scène accompagné de belle manière de son ami accordéoniste de jazz, Daniel Mille. Il pouvait encore prêter sa voix aux textes de Allain Leprest, un écorché des mots et de la vie. Un disque Trintignant-Mille-Piazzolla témoigne, entre autres, de ce travail de très belle facture. Avec l’art comme manière de combattre une mélancolie profonde…
Son ultime retour sur grand écran fut en en 2019. Il avait 88 ans. À l’affiche de Les plus belles années d’une vie -clin d’œil de Claude Lelouch à Un homme et une femme, Palme d’or à Cannes en 1966, et histoire d’un couple mythique, campé par Trintignant et Anouk Aimée- le comédien y jouait ce vieil homme, perdant la mémoire et qui se montre heureux, malgré tout, d’être au monde le temps d’une promenade empreinte de malice et de nostalgie. Trintignant, un acteur qui, de jeune premier, avait su vieillir sur grand écran en prenant différemment la lumière. Avec un visage en forme de livre qui a vécu…
