Et Tavernier sut se jouer à merveille des contraintes budgétaires – outre trois acteurs de renom, le producteur voulait un fort colonial qui pourtant n’avait rien à faire dans l’histoire – en tournant le récit à Saint-Louis au Sénégal et en parvenant à ne jamais sombrer dans l’exotisme à deux sous. Il a fallu aussi toute l’astuce du décorateur Alexandre Trauner pour faire faire des économies : il a logé chez le médecin du coin en lui promettant de repeindre sa barrière et ses volets… avec les ouvriers de la production. Et Tavernier de raconter : « Trau, a inventé des astuces insensées (…) avec une imagination débordante et parfois machiavélique pour faire des économies. »
Si le film n’eut pas le succès critique escompté à sa sortie, il fait désormais figure de classique du genre avec un casting cinq étoiles. Isabelle Huppert est magnifique dans ce contre-emploi total où elle campe une mégère jamais apprivoisée. C’est dans ce film, qu’en mec un peu limité Eddy Mitchell fit une composition saisissante. Et puis, du côté des vieux habitués des films de Tavernier, il n’y a aucune erreur : Philippe Noiret donne une vraie épaisseur à ce flic revenu de ses illusions; Marielle est un salaud réjouissant. Pour la petite histoire, il avait tellement peur de tourner en Afrique qu’il a demandé à recevoir tous les vaccins possibles et imaginables avant de s’envoler vers Saint-Louis. Quand, frère du maquereau, il vient chercher à comprendre ce qui s’est passé, il fait une tête extraordinaire.
Bref, un conte cruel et dérisoire sur fond de violence fangeuse qui décrit bien le racisme de certains petits blancs en terre d’Afrique.
