Au cœur d’un chaos

Le réalisateur novice a décidé de poursuivre son œuvre, comme il le raconte : « Je ne savais pas comment utiliser la caméra, mais je me sentais le devoir de filmer et de documenter notre quotidien et les crimes commis par le régime syrien contre les Palestiniens. J’ai commencé à filmer et à accumuler des séquences, mais je me suis abstenu de les mettre en ligne et de les faire circuler ne sachant pas comment, ni quand ni qui pourraient les utiliser. »

Après un long voyage pour fuir le pays en confiant les disques durs à des amis qui les ont « acheminés en lieu sûr », Abdallah Al-Khatib a commencé à monter le film à son arrivée en Allemagne. Le résultat c’est ce documentaire poignant où le réalisateur filme aussi bien ce gamin qui sait reconnaître pour survivre les herbes « bonnes » à manger dans un terrain jouxtant un immeuble, que les vieux qui tentent de survivre dans des conditions qui dépassent l’imagination. « L’instinct de survie a prévalu sur nos comportements habituels. Il a dicté qui vivrait et qui mourrait« , note le cinéaste qui ne fait jamais la morale au cours de ces captations du quotidien d’un quartier assiégé.

Il montre aussi comment des mères, la sienne notamment, une combattante de la liberté devenue, après son mariage, une femme au foyer, retrouve une place dans la vie publique lors de ces combats en s’occupant des femmes âgées. Et puis, il y a des parenthèses de poésie quand des amis se retrouvent pour chanter ensemble dans la rue autour d’un vieux piano déglingué des airs qui ressemblent alors, dans le contexte, aux mélodies funèbres d’un chœur antique.

Alors que l’opinion internationale regarde avec une grande indifférence ce qui se passe durant ce siège (qui pourrait ressembler à bien d’autres sièges vécus dans le monde), la caméra-style d’Abdallah Al-Khatib immortalise de façon magistrale ce quotidien de souffrance d’une population laissée à elle-même face à un régime de terreur. Des images qui devraient aussi nous faire honte…

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