Un casting très crédible. Pour son premier long métrage, le cinéaste a visé large en étant derrière mais aussi devant la caméra et il campe un personnage taiseux à souhait, sombre, qui fait corps avec la nature l’entourant. Avec son cheval, il symbolise une espèce de cowboy moderne défendant son exploitation avec ce fils dont la monture – cette moto tout-terrain symbolise, lui, la violence de la modernité. Comme le passage de témoin entre les générations et avec un père qui a perdu pied avec son époque. Face à lui Vangelis Mourikis joue sur une forme d’ironie qui est en contraste avec les silences du père, muré dans son passé. In fine, ces deux êtres qui finissent par se retrouver sont à la recherche d’une vraie dignité dans un monde qui semble à bout de souffle.
Une mise en scène qui a du souffle. S’appuyant sur une photographie magnifique – les plans de la mine à ciel ouvert avec la foreuse sont saisissants – Georgis Grigorakis sait restituer un climat théâtral, sombre avec la forêt comme scène de tous les excès et de toutes les tensions. Commentaires du cinéaste : « Quand on tourne dans la forêt, on comprend vite qu’on ne fait pas ce qu’on veut, on fait ce que la forêt veut : le temps peut changer très vite, passer en moins d’une heure du soleil à la neige. Souvent, on ne pouvait pas tourner la scène prévue. Il fallait s’interroger : qu’est-ce qu’on fait ? On n’avait pas les moyens d’attendre : c’était un petit budget, un tournage de 26 jours. Il a fallu s’adapter à quelque chose de plus grand que soi. Parfois la forêt nous a récompensé, nous a donné des images étonnantes. Elle est un personnage à part entière, qui participe à l’histoire de façon active… On a tourné avec des objectifs anamorphiques pour donner l’impression du grand espace. » Et il y a des séquences fortes comme celle où le fils récupère son père qui semble aspiré irrémédiablement par la boue. Et finalement, c’est un engin moderne qui va permettre le sauvetage in extremis. Tout un symbole !
Pour un premier film, le cinéaste grec signe une tragédie humaine et politique -on mesure comment les multinationales ne sont motivées que par le désir de performances économiques- où la nature tient lieu de personnage central alors que les tensions familiales semblent inextricables…

