Quand Buñuel ausculte la bougeoisie

Entre pur réalisme (la quête désespéré d’eau à consommer qui conduit à attaquer la magnifique cloison d’un salon) et onirisme (la séquence de la main qui rampe, qui semble sortie d’Edgar Poe), L’Ange exterminateur prouve la puissance d’inspiration de Buñuel aussi à l’aise pour capter des mouvements de groupe que pour s’attacher à l’expression d’un visage, à la sensualité d’une main qui effleure un mollet féminin.

On y retrouve aussi le goût immodéré de Buñuel pour la répétition, au nombre ici d’une dizaine, notamment celle où deux hommes se croisent, se présentent à deux reprises avant de chaleureusement se saluer à la troisième reprise. Cela avait inquiété son chef opérateur, Gabriel Figueroa qui l’avait alerté à la fin du montage. Et Buñuel de noter : « « Comment a-t-il pu penser une seconde, lui qui avait filmé les deux plans, qu’une erreur aussi énorme pouvait échapper au monteur et à moi-même? »

Variations sur un thème cher du cinéaste – le désir et les pulsions sexuelles – cet Ange exterminateur demeure un petit régal. Et, pour les amateurs de Buñuel, on y retrouve des souvenirs remontant à l’enfance, ainsi quand une femme sort d’une armoire à trois portes qui sert de WC en disant qu’elle y a vu un paysage, un abîme et un faucon. Buñuel a en effet raconté : « A Molinos et à Cuenca, il y a des précipices qui atteignent parfois cent mètres de profondeur. Il y en a un où, en haut, se trouve un WC en bois dont le trou donne sur l’abîme. J’ai vu un faucon voler au-dessus de moi un jour où se faisait mes besoins ».

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