LES BOUGONS SONT EN DEUIL

Décidément l’année commence mal. La disparition de Jean-Pierre Bacri, le bougon du cinéma, fait mal, tant le comédien au phrasé et à la dégaine si particulières a marqué l’écran et la scène. Hommage.

Jean-Pierre Bacri avait fait des personnages de bougons et de râleurs sa marque de fabrique. Malade, il n’avait plus tourné depuis 2018 et vient de perdre son combat contre le crabe. De quoi rendre ronchon le spectateur le plus optimiste !

Bacri avait découvert, petit , l’univers du cinéma grâce à son père, fan du 7ème Art. Des années plus tard, tout en suivant des études pour devenir comédien, il gagne alors sa vie comme placeur à l’Olympia tout en écrivant déjà des pièces. L’une d’elle, Le Doux Visage de l’amour remporte en 1979 le prix de la Vocation. Deux ans plus tard, le public le découvre dans Le Grand Pardon, de Alexandre Arcady : il ne l’oubliera plus tant Jean-Pierre Bacri dégagé, derrière ses coups de gueule, une vraie humanité. Et, de film en film, il se taille une place à part dans le cinéma français, une place renforcée par le duo formé avec Agnès Jaoui avec laquelle il forme un couple très créatif. Une des dernières apparitions du comédien sur grand écran sera dans Place publique, d’Agnès Jaoui.

Devenant un habitué des Césars, l’artiste a été ainsi récompensé à plusieurs reprises et comme scénariste  et comme acteur. Ainsi avec Agnès Jaoui, il a reçu le César du meilleur scénario original à quatre reprises , pour Smoking/No Smoking, Un air de famille, On connaît la chanson et Le goût des autres. Il a reçu celui du meilleur acteur dans un second rôle pour  On connaît la chanson d’Alain Resnais, sans l’oublier, même s’il ne l’a jamais remporté, plusieurs nominations au César du meilleur acteur.


Bacri, c’était le sens des répliques à fleur de maux. « C’était quelqu’un qui avait un incroyable sens de l’humour » a dit de lui son ami Jean-Michel Ribes, évoquant « une personnalité comme il y en a peu dans ce métier. » Et si son côté d’oncle grincheux fut sa marque de fabrique, elle lui permettait de laisser poindre une profonde humanité comme dans Le Sens de la fête, du duo Nakache-Toledano où, en petit patron d’une boîte évènementielle spécialisée dans les mariages, Max montrait les failles  de son personnage derrière sa carapace et ses colères.

En 2017, il avait encore joué Chrysale dans Les Femmes Savantes de Molière sous la direction de Catherine Hiegel. Une belle performance qui lui avait permis de décrocher le Molière du comédien dans un spectacle de théâtre privé. Et la fin dans tout ça ?  « Je m’en fous. On pense toujours la mort comme les enfants, on s’imagine se voyant ne plus y être. Mais quand on est mort, on ne le sait pas, on est seul à ne pas le savoir. Vous n’êtes pas témoin de votre mort. Ce qui est terrible, c’est avant. La maladie, la souffrance de bête de la maladie » avait-il déclaré dans Psychologies en 2010.

Évoquant ses choix dans une de ses dernières interviews au Figaro, il disait : « Si on me propose le rôle d’un type qui est formidable, mais à qui le monde fait des misères, je n’ai pas envie de le jouer. Ça m’emmerde parce que je ne trouve pas que ce soit crédible. Donc je joue des gens qui ont des problèmes, placés face à des contradictions, c’est ce qui m’amuse le plus. » Salut l’artiste !

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