Il vient de disparaître le lendemain de son anniversaire. Monstre sacré du théâtre Robert Hossein avait eu 93 ans. Sa vie fut dédiée à l’art sous toutes ses formes.
Sa voix chaude et grave était connue de tous les spectateurs et téléspectateurs. Robert Hossein faisait partie des figures incontournables de la scène française et du cinéma. Né Abraham Hosseinoff, il fut dès ses débuts passionnés de théâtre et imagina des mises en scène spectaculaires car il voulait faire du théâtre comme on faisait du cinéma afin d’attirer le plus grand nombre de spectateurs. On se souvient en 1975, de son Cuirassé Potemkine au Palais des Sports de Paris où avec un cuirassé de 26 mètres sur scène, il faisait revivre la révolution de 1905. On se souvient encore de Notre-Dame de Paris, de Les Misérables et enfin de Marie-Antoinette, dont il refait le procès avec la complicité du public qui pouvait voter en temps réel. Une expérience vraiment originale. Créateur de la démesure, il fut même inscrit au livre Guiness des records pour les chiffres de fréquentations inégalés : 700 000 spectateurs pour Jésus était son nom en 1991.
Pour le grand public, le nom de ce comédien, réalisateur et metteur en scène restera lié au cinq films de la saga de Angélique, marquise des anges dans les années 60. Non sans humour, il déclara des années après : « La seule chose que je laisserai, c’est la balafre de Joffrey de Peyrac dans Angélique, marquise des anges. Parfois peut-être une jeune fille viendra poser une rose sur ma tombe, en souvenir. »
Son père venait de Samarcande, en Asie centrale et sa mère de Kiev, en Ukraine. Ils se rencontrèrent à Berlin dans les années 1920, où le père abandonna ses études de médecine pour la musique. Sa mère, quant à elle, voulait devenir comédienne. Né à Paris le 30 décembre 1927, le jeune Robert connut une jeunesse marquée par la situation financière précaire de ses parents. S’étant fait renvoyé plusieurs fois des pensions car ses parents n’avaient plus les moyens de les payer, Robert Hossein arrêta l’école après le certificat d’études primaires, ce qu’il regrettera toute sa vie, s’étant construit une culture « d’autodidacte ».
C’est au cinéma de quartier que l’adolescent se fit une culture cinématographique. C’est en trainant à Saint-Germain-des-Prés à la fin de la Seconde Guerre mondiale, qu’il croisa Jean-Paul Sartre, Jean Genet ou encore Boris Vian. tout en essayant de devenir comédien.Il a pris des cours chez Simon, qui lui conseilla alors d’en donner à des héritières pour améliorer son quotidien…
Dès 1948, Robert Hossein décrocha de petits rôles au cinéma : on le voit par exemple en silhouette dans Le Diable boiteux, de Sacha Guitry. Un an plus tard, il se fit remarquer au théâtre dans Les Voyous, une première pièce qu’il écrit et mit en scène au Théâtre du Vieux Colombier. En parallèle, il décrocha plusieurs rôles au cinéma.
Revanche de l’enfant pauvre, Robert Hossein n’a cessé ensuite de travailler. Et de défendre une vision populaire de l’art. C’est ainsi qu’en 1971, il quitta Paris pour Reims pour y diriger une scène publique. Son slogan est clair : « Du théâtre comme vous n’en voyez qu’au cinéma. » Il y fit découvrir des jeunes artistes. Ainsi, en 1973, les spectateurs peuvent voir Isabelle Adjani dans La Maison de Bernarda, de Lorca. Ils y verront encore Jacques Villeret dans Les Fourberies de Scapin ou encore Anémone dans La Prison, d’après Simenon.
« Robert-le-loup » comme le surnommait son ami Frédéric Dard n’a jamais cessé de vouloir attirer le grand public, ne prêtant pas attention aux critiques trouvant parfois démagogiques certains de ses mises en scène. Lui se contentait de répondre : « Je travaille avec ma mythologie héritée de l’enfance et je raconte l’histoire des humiliés, des offensés, des laissés-pour-compte de l’avidité humaine. »
