VOD
SORTILÈGES, de Ala Eddine Slim – 2h00
avec Abdullah Maniawy, Souhir Ben Amara
Sortie : VOD, juin 2020
Mon avis : 3 sur 5
Le pitch ?
Dans une caserne en Tunisie, un jeune soldat informé du décès de sa mère se voit accorder une permission. Il déserte et s’enfonce dans une mystérieuse forêt…
Et alors ?
S’il l’on n’aime guère les films patchwork, impressionniste et aux dialogues minimalistes, il vaut mieux passer son chemin, tant Ala Eddine Slim a imaginé un récit qui, partant d’un point de vue réaliste – la morne vie d’un soldat apprécié durant la lutte contre les terroristes dans son pays – dérive vite vers un monde construit autour de sensations, d’un climat étrange lorsque la femme issue de la grande bourgeoisie est retenue (de son plein gré finalement) par le soldat devenu ermite. Confidences du réalisateur : « Le film est venu comme ça, de manière éparpillée. Je savais que le soldat allait avoir des seins, je savais que la femme allait tomber enceinte et allait rencontrer ce personnage mystérieux dans la forêt. Mais le serpent et la toute dernière séquence où le mari vient chercher sa femme dans la forêt, tout cela a été écrit au moment des repérages. L’écriture évolue tout le temps, elle n’est jamais figée et se réinvente aussi au tournage. »
Si la première partie, avec la fuite du soldat et cette quête d’un ailleurs et d’une vie radicalement différente est très prenante, la suivante se perd un peu dans le symbolisme religieux et des éclats fantastiques qui font un peu plaqués (l’apparition du serpent notamment). Ou des plans un brin répétitifs avec le jeu des regards qui se « parlent ».
Et comme le film est long, ces défauts apparaissent de façon plus nette. Par ailleurs, il y a des moments de grâce comme le long plan séquence avec un drone qui , partant du minaret, passe devant les banques, pour arriver sur le brasier. Comme s’il s’agissait d’une représentation symbolique d’un Gotham City en version Maghreb.
On y voit aussi des clins d’œil à bien des cinéastes : Stanley Kubrick en premier chef car la tête de l’ermite peut parfois renvoyer au visage du grand cinéaste et il y a les références évidentes au monolithe de 2001, Odyssée de l’espace ou à l’œil écarquillé du héros « soigné » dans Orange mécanique. Sans oublier le suicide dans les douches de la caserne comme dans Full Metal Jacket. On pourrait aussi y voir un rappel du plan mythique de Luis Buñuel dans L’Âge d’or avec l’insoutenable scène du rasoir bien sûr.
Sortilèges apparaît ainsi comme un film étrange où le mystère prend peu à peu le dessus avec des références bibliques évidentes dans cette errance existentielle du soldat solitaire. Il faut donc goûter à un certain mysticisme pour rester vraiment sous le charme jusqu’au bout malgré le vrai talent des deux interprètes principaux.
Sortie DVD (Potemkine)
