Patrimoine
Dans les années 50, Robert Mitchum enchaîne les rôles à un rythme de croisière. Quand sort le 26 août 1955 La Nuit du chasseur, il y décroche un grand rôle dans un film qui marquera à jamais les annales du cinéma.
Histoire d’une longue traque, La Nuit du chasseur n’a pas pris une ride. L’histoire est sombre à souhait. Un prêcheur inquiétant poursuit dans l’Amérique rurale deux enfants dont le père vient d’être condamné pour vol et meurtre. Avant son incarcération, le père leur avait confié dix mille dollars, dont ils ne doivent révéler l’existence à personne. Pourchassés sans pitié par ce pasteur psychopathe et abandonnés à eux-mêmes, les enfants se lancent sur les routes.
La force de ce film qui est censé se passer durant la grande Dépression, c’est de sembler hors du temps. À l’aide du personnage campé par Lilian Gish, Laughton, qui signe ici son seul et unique film, signifie tout ce qu’il doit au cinéma d’un Griffith dont l’actrice fut l’égérie et qui fut également une des grandes stars du cinéma muet.
LA NUIT DU CHASSEUR from L’ECLAT SON IMAGE on Vimeo.
La mise en scène est splendide et le Charles Laughton signe une réalisation qui se situe entre l’expressionnisme cher au cinéma allemand – dans le jeu d’ombres notamment quand celle de Mitchum envahit la chambre des enfants- et un réalisme des plus précis. Magnifique, la photo est l’œuvre de Stanley Cortez qui a travaillé avec Orson Welles sur un autre classique : La Splendeur des Amberson.
Et Mitchum dans tout ça ? ll n’a pas hésité une seconde à camper ce personnage des plus sombres. Quand Laughton le contacta, il lui dit que le personnage était « une merde diabolique« . L’acteur lui répondit laconique : « Présent ! » Le studio était ravi et avait d’ailleurs refusé la candidature spontanée d’un très grand acteur anglais, Laurence Olivier.
Sur le plateau, les relations entre le réalisateur et le comédien furent au beau fixe, même si les penchants de Mitchum pour la dive bouteille ont fait prendre pas mal de retard au tournage. Qu’importe, le contact était si bon entre Laughton et Mitchum que le réalisateur lui confia la direction des deux enfants acteurs.
Échec commercial, La Nuit du chasseur demeure pourtant un pur chef d’œuvre. Par la suite, quand les critiques disaient à Robert Mitchum qu’il y avait un avant et un après dans sa filmographie après cet opus, il rétorquait : « Pourtant, je n’ai rien changé. Excepté mes sous-vêtements. » Une vraie star de la décontraction…
