LOS SILENCIOS, de Beatriz Seigner – 1h29
Avec Marleyda Soto, Enrique Diaz, Maria Paule Abares Peña
Sortie : mercredi 3 avril 2019
Mon avis : 4 sur 5
Le pitch ?
Nuria, 12 ans, Fabio, 9 ans, et leur mère arrivent dans une petite île au milieu de l’Amazonie, aux frontières du Brésil, de la Colombie et du Pérou. Ils ont fui le conflit armé colombien, dans lequel leur père a disparu. Un jour, celui-ci réapparait mystérieusement dans leur nouvelle maison.
Ce qui touche dans ce film ?
S’inspirant du témoignage d’une amie, Beatriz Seigner signe un premier long métrage inattendu qui se déroule dans ce bled perdu de Colombie. Elle raconte : « Un jour, une amie colombienne m’a raconté une histoire folle à propos de son
enfance. Elle a quitté la Colombie après avoir appris la mort de son père, elle s’est installée au Brésil… et elle y a retrouvé son père. J’étais tellement connectée à son récit que j’avais des images dans la tête, c’était mouvant, vivant, j’en rêvais même la nuit ! »
Il y a eu ensuite la lente maturation des scénarios et la recherche du financement pour tourner cette histoire à la frontière entre le Brésil, le Pérou et la Colombie, sur une petite pile nommée « la isla de la fantasia ». Un étrange décor car l’eau l’envahit quatre mois par an, ce qui créé une atmosphère de navire qui sombre et permet de tourner une histoire qui suit les crues et les décrues de l’Amazone.
S’inspirant de plusieurs témoignages de quelque quatre-vingt familles immigrées, elle a nourri son histoire de cette femme qui tente de reprendre pied alors qu’elle est seule avec sa fille et son fils depuis que son mari et son autre fils ont été tués dans une autre partie du pays.
Portrait d’une population qui souffre mais ne perd jamais sa dignité, Los Silencios montre aussi le parcours du combattant de ces populations qui cherchent un job, veulent trouver les traces de disparition et sont aux prises avec des autorités suspicieuses comme avec des avocats qui veulent faire du fric sur leur désespoir.
Et puis, il y a les séquences de nuit quand la réalité prend des airs inquiétants. C’est la très belle séquence de l’arrivée de la barque au début ou la scène absolument magnifique et touchante de deuil sur l’eau avec l’irruption de ces masques. Masques de vie ou masques de guerre ? Beatriz Seigner souligne : « En Amazonie, on porte souvent des couleurs fluo sur soi. J’ai aussi entendu dire que dans plusieurs cultures indigènes on prête à un certain breuvage des vertus hallucinogènes : ceux qui le boivent voient des couleurs fluorescentes envahir le monde qui les entoure. Ils voient ce qui n’est pas accessible au monde du visible. Nous avons pensé que ça pouvait être un élément intéressant à intégrer, visuellement et narrativement. Avec Marcela Gomez, la directrice artistique du film, nous avons choisi de rendre les fantômes qui habitent l’île de plus en plus luisants et colorés à mesure que le film avance, et leurs manifestations visuelles sensibles et étranges mais pas effrayantes. La mort n’est pas synonyme de couleur noire dans toutes les cultures. »
Sans jouer sur le moindre pathos, ce deuxième long métrage est aussi émouvant que plastiquement très réussi. Encore une belle surprise du cinéma latino…
