L’AMOUR DERRIÈRE LE RIDEAU DE FER

   COLD WAR, de Pawel Pawlikowski – 1h35

Avec Joanna Kulig et Tomasz Kot

Sortie : mercredi 24 octobre 2018

Mon avis : 5 sur 5

Le pitch ?

Pendant la guerre froide, entre la Pologne stalinienne et le Paris bohème des années 1950, un musicien épris de liberté et une jeune chanteuse passionnée vivent un amour impossible dans une époque impossible.

Ce qui touche dans le film ?

Le portrait d’une époque de censure. Pawel Pawlikowski a dédié son film à ses parents et a même donné leurs prénoms aux deux protagonistes principaux de ce récit. Mort en 1989, juste avant la chute du mur de Berlin, ce couple a passé quarante ans ensemble, se séparant pour mieux se retrouver ensuite. Le réalisateur confie : « Mes parents étaient des personnes très fortes et merveilleuses, mais en couple, c’était une catastrophe absolue. » Pour autant, il n’a pas raconté leur histoire même si l’histoire est « largement inspirée par l’amour compliqué et perturbé » de ses géniteurs.

En filmant l’amour passion et les déchirements entre Wiktor et Zula, Pawel Pawlikowski montre avec une grande finesse comment on vivait derrière le Rideau de fer. Ainsi la charmeuse Zula parvient, malgré le poids du pouvoir, à s’accommoder très bien de la férule communiste et n’a pas envie de fuir à l’Ouest, contrairement à Wiktor. Pour autant, elle comprendra au terme d’une vie de voyages imposés, comment il est impossible de survivre dans une telle atmosphère.

Le choc des cultures. En opposant la culture folklorique et le jazz – une musique interdite en Pologne après guerre – Pawel Pawlikowski fait de la musique le fil directeur de son drame. Dans le Paris de Saint-Germain-des-Prés, Wiktor peut oublier son amour perdu en jouant dans des caves avec la fine fleur des musiciens de jazz alors qu’il était, dans son pays natal, condamné à arranger de la musique classique moderne.

Une mise en scène époustouflante. On a encore en mémoire la beauté de Ida, précédent film du cinéaste. On retrouve ici le noir-et-blanc qui est sa figure de marque et le format quasi-carré. Pourtant, il voulait à l’origine ne pas se répéter et opter pour la couleur mais a fait machine arrière devant l’impossibilité de retrouver la couleur de l’époque. Il souligne : « La Pologne n’était pas saturée de couleurs comme l’Amérique des années 50. La couleur de la Pologne était indescriptible, une sorte de gris/marron/vert. Et ce n’était pas une question de cinématographie, mais de la vie elle-même. »

Admirablement joué – Joanna Kulig peut notamment passer d’une grande sensualité à un profond abattement, notamment quand elle se livre aux démons de l’alcool – ce drame est un film filmé de main de maître et qui émeut du début à la fin. Fort heureusement, le dernier festival de Cannes ne l’a pas boudé et lui a remis le plus que mérité Prix de la mise en scène.

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