SANS JAMAIS LE DIRE, de Tereza Nvotová – 1h28
Avec Dominika Morávková, Anna Rakovská
Sortie : mercredi 17 octobre 2018
Mon avis : 3 sur 5
Le pitch ?
Léna a 17 ans. Elle aspire à la liberté et à l’aventure jusqu’à ce jour où son monde intérieur se fracasse après une agression. Léna se replie alors sur elle-même et découvre le choc de traitements psychiatriques.
Née à Bratilsava mais vivant actuellement à Prague où elle termine sa formation à l’Académie du FIlm, Tereza Nvotová signe ici son premier long métrage, ambitieux et fort. Avec Barbora Námerová, la scénariste, elle a eu l’idée d’un film cri qui échappe aux habituels traitements cinématographiques sur le viol. La « fameuse » scène est filmée, sans aucun voyeurisme ni effet choc, dans le quotidien banal de la maison familiale, alors que la mère de famille vaque à ses occupations habituelles avec le frère, handicapé, de Léna.
Ce qui touche vraiment dans ce film c’est que la réalisatrice parvient à nous faire partager le traumatisme intérieur de Léna qui se mure dans le silence pour soigner son traumatisme. « C’est cela qui nous intéresse : non pas le viol lui-même, comme dans beaucoup de films où il est présentée comme un paroxysme, mais ce qui se passe après. Nous voulions approcher au plus près le monde intérieur de celle qui survit à un viol », souligne Tereza Nvotová.
Un des temps « forts » de l’histoire, c’est le passage par l’hôpital psychiatrique pour enfants où Léna atterrit et où les traitements semblent vraiment d’une autre époque. « La plupart des jeunes hospitalisés que l’on voit dans le film ne sont pas des acteurs et ils en sont la preuve vivante », note la réalisatrice. Par des dialogues et des situations d’une vraie crudité, Tereza Nvotová nous fait sentir au plus près le quotidien médical de ces jeunes traumatisés de la vie.
Pour émouvoir dans une telle histoire évitant tout racolage, il fallait trouver une actrice capable d’exprimer avec une absence presque totale de mots les blessures enfouies. Avec Dominika Morávková, la réalisatrice a eu la main heureuse. « Au troisième jour d’audition, nous n’avions gardé que deux filles que j’ai « torturées » avec les scènes les plus difficiles du film, des scènes de désintégration physique et mentale. Dominika Morávková est clairement le type d’actrice que l’on ne peut s’empêcher de regarder, car c’est une personne vraiment authentique » dit-elle.
Film-récit sur un fléau moderne – seulement 13 % des violences sexuelles faites aux femmes chaque année sont rapportés – le premier long métrage de Tereza Nvotová témoigne aussi d’un sens de la mise en scène comme en témoignent les séquences extérieures au bord du fleuve où la cinéaste sait tirer le meilleur parti d’un décor banal d’une cité moderne. Une cinéaste qu’il faut désormais suivre de près.

