JEAN PIAT : UN DIABLE D’ACTEUR

La disparition de Marceline Joris-Ivens fait passer au second plan celle de Jean Piat qui fut pourtant une grande voix de la scène. Même si le cinéma n’a pas fait assez appel à lui.

Jean Piat, c’était une voix et une élégance. Venant de mourir à 93 ans, huit mois après sa compagne, la romancière et comédienne Françoise Dorin, l’acteur avait marqué de sa diction parfaite et de son jeu affuté  le personnage de Cyrano, joué près de 400 fois sur scène et, bien sûr, celui de Robert d’Artois dans le feuilleton des Rois maudits. « Personne n’aura su comme lui, malgré une beauté inouïe, jouer de la laideur la plus célèbre de l’histoire de la littérature », a noté la Comédie-Française après sa prestation dans Cyrano dont la première donna lieu à plus de cinquante rappels..

Né le 23 septembre 1924 à Lannoy dans le Nord dans une famille catholique et modeste, Jean Piat avait été admis au Conservatoire national d’art dramatique après avoir fréquenté le lycée Janson-de-Sailly. Fuguant sans autorisation en 1946 du Conservatoire pour jouer un rôle dans Rouletabille au cinéma, Jean Piat entre pourtant, un an après, à la Comédie-Française, jouant plus de soixante pièces entre 1947 et 1972.

1972 marque un tournant dans sa reconnaissance auprès du grand public. De fait, Jean Piat devient célèbre grâce aux six épisodes de Les Rois Maudits, le feuilleton signé Claude Barma et adapté de l’œuvre de Maurice Druont. De rouge vêtu, il campe le cruel Robert d’Artois dans cette histoire de pouvoir et de vengeance.

Pendant soixante-dix ans, ce comédien sportif n’a cessé de se donner en spectacle dans tous les genres, aussi à l’aise dans le théâtre de boulevard que dans les classiques : Ruy Blas et Le Misanthrope. Il avait même pris la relève de Jacques Brel  et chanté dans L’Homme de la Mancha. À plus de 90 ans, il confessait : « Je joue, parce que quand je ne joue pas, j’ai l’impression d’être privé de dessert !« .

Le cinéma a manqué un vrai rendez-vous avec ce diable d’homme. La Comédie-Française ne lui a pas donné de congé pour jouer dans Casque d’or et Jean-Pierre Melville est mort avant d’avoir pu tourner son Arsène Lupin pour lequel il avait prévu de l’engager. Il a pourtant figuré dans le duel surprenant de La Voie lactée, de Luis Buñuel. On l’a encore vu dans Le Passager de la pluie, de René Clément et il a prêté sa voix aux personnages de Scar dans Le Roi Lion et de Gandalf dans Le Seigneur des anneaux.

Usant toujours d’un humour distingué, Jean Piat avait signe un dernier livre, en 2015, en forme de retour sur sa carrière : Et… vous jouez encore !  et de son « Je ne sais pas quoi faire d’autre…»

 

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