JEAN-PIERRE JEUNET : UNE MÉMOIRE ÉCLATÉE

Livre


Plutôt qu’un classique livre de souvenirs, Jean-Pierre Jeunet se glisse dans les pas de GePérec avec 500 je me souviens… Anecdotes de tournage (*). Une manière originale d’ouvrir sa boîte à images.

Avec leur côté vintage, un brin décalé, Charlie Poppins propose quinze illustrations originales pour accompagner ce voyage dans les souvenirs d’un des cinéastes français des plus inventifs des trois dernières décennies.

Au fil des pages, Jean-Pierre Jeunet peut aussi bien de ses premiers mois cinématographiques que de telles séquences de pub et de cinéma. Ainsi, évoque t-il le souvenir d’un grand-père maternel qui a joué un rôle dans sa vocation. Il écrit  « Je me souviens que mon grand-père maternel, coiffeur de profession, passait ses dimanches à projeter les films au cinéma Rex de Gueugnon. » Le cinéaste a la plume pudique et une manière toute personnelle de décrire son parcours. Ainsi quand il raconte : « A huit ans, je fabrique un petit théâtre de marionnettes. J’écris l’histoire, bidouille le décor, déglingue les lampes de poche de la maison pour créer l’éclairage, et fais payer mes vieux pour assister au spectacle. Me voilà producteur. »

Quand Jeunet parle de métier, c’est aussi pour emprunter les chemins de traverse de la mémoire. Certes, il est question de Delicatessen, des films conçus avec son complice Marc Caro, comme du Fabuleux Destin d’Amélie Poulain et d’Un long dimanche de fiançailles, mais le réalisateur évoque aussi certains tournages de publicité. Verbatim : « Je me souviens que, pour une pub Barilla, nous tournions dans une grande maison bourgeoise de Dieppe. Gérard Depardieu est entré, a examiné les lieux, et devant les propriétaires a lâché : « Ça sent… la fraude fiscale !  » Et le jour suivant, fidèle à son franc parler, Depardieu a lancé

alors que Jeunet voulait fignoler un plan : « Ah, ça y est, il va sortir la boîte à enculer les mouches. »

Ses souvenirs en désordre sont aussi l’occasion de montrer comment la vie d’artiste exige une bonne capacité d’adaptation, d’improvisation et de sacrifices : « Je me souviens que j’étais payé au SMIC, qui était de 1745 francs par mois. Quand c’était le mois des imôts, je sautais le repas de midi. Je me souviens d’une monteuse adorable, femme du réalisateur Jean Marbeuf, qui laissait traîner un paquet de biscuit dans le studio… au cas où… » souligne t-il.

Et quand il livre certains secrets de fabrique, c’est toujours sans se départir d’une certaine auto-dérision. Ainsi, ce faiseur de pub écrit : « C‘est en voyant les reflets des flacons de parfum de ma femme se projeter sur les murs de notre chambre que j’ai eu l’idée de faire se promener le reflet du n°5 sur les parois du compartiment. Et cet effet a été réalisé pour de vrai, en direct, sans trucage juste avec un flacon surdimensionné et les astuces des machinistes et des électriciens. »

Un dernier trait d’humour pour conclure sur ce voyage de la mémoire : « Je me souviens d’une publicité pour McDonald’s au Québec : « Le délicieux festin d’Aurélie Poulet ».Tout Jeunet est dans cette note…

(*) Editions LettMotif

Et pour la mémoire

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