PORTRAIT D’UNE FEMME DEBOUT

UNE FAMILLE HEUREUSE, de Nana & Simon – 1h59

Avec Ia Shugliashvili, Merab Ninidze et Berta Khapava

Sortie : mercredi 10 mai 2018

Je vote : 4 sur 5

Le pitch ?

Professeure dans un lycée de Tbilissi, Manana est mariée depuis 25 ans à Soso. Ensemble, ils partagent leur appartement avec les parents de Manana, leurs deux enfants et leur gendre. Une famille en apparence heureuse et soudée jusqu’à ce qu’à la surprise de tous, Manana annonce au soir de son 52ème anniversaire sa décision de quitter le domicile conjugal pour s’installer seule.

2 raisons d’y aller ?

Un beau portrait de femme debout.  Après Eka et Natia, chronique d’une jeunesse géorgienne, sorti en 2013, le duo de cinéastes Nana Ekvtimishvili et Simon Groß signent avec Une famille heureuse leur deuxième long-métrage sous la forme du portrait d’une femme qui décide  de tout plaquer pour vivre enfin une solitude assumée loin d’un clan familial aimant mais étouffant. On sent, dès le début, que cette fuite est tout sauf une fuite en avant, mais bien le désir de reprendre en main une vie qui lui échappe et où elle ne se reconnaît plus.

Et de se révolter contre une société patriarcale classique en Géorgie. Les réalisateurs soulignent : « Dans une société patriarcale comme la Géorgie, il est couramment admis que les femmes ne peuvent pas vivre sans les hommes, sans eux elles seraient moins respectées, moins protégées et dans une plus grande précarité. Ceci est en partie vrai, non parce que les femmes valent moins que les hommes, mais parce que certains considèrent qu’elles valent moins. Ainsi, cette manière de penser s’impose comme la norme auprès de beaucoup. » Et il faut pour Manana une sacrée volonté pour ruer dans les brancards et prendre le large.

Un récit mené avec une belle douceur. Une des forces de l’histoire c’est que jamais les cinéastes ne jugent les personnages, ne tranchent. Ainsi, outre le beau portrait de Manana – subtilement jouée par Ia Shugliashvili qui fait passer beaucoup d’émotions avec une grande économie de jeu- ils donnent au mari un rôle émouvant d’un homme qui est dépassé par les évènements mais continue à tenter de préserver cet amour qui se délite. Et même quand Manana est confrontée à cet étrange conseil de famille ou que les amis de son frère la surveillent de près dans son nouvel appartement, le trait n’est jamais forcé.

Outre la  photographie, signée Tudor Vladimir Panduru (auteur des images de Baccalauréat),  et qui utilise bien la lumière naturelle qui confère à l’ensemble une douce mélancolie, un des atouts de la mise en scène, c’est de jouer aussi sur les sensations offertes par la nature dans cette banlieue anonyme : oiseaux, vent qui souffle, pluie… Une manière de montrer symboliquement les variations d’humeur de cette femme qui fuit une réalité qui la blesse et décide de profiter vraiment de cette liberté retrouvée.

Une partition subtile sur un thème qui aurait pu conduire à user de bien des clichés…

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