Oublié du palmarès du dernier Festival de Cannes, Toni Erdmann sort le 17 août. L’occasion de découvrir une étrange histoire qui conjugue émotion, rire et amour.
Toni Erdmann offre une double occasion : celle de redécouvrir l’univers de Maren Ade, 39 ans, déjà remarquée par Everyone Else. Et celle d’apprécier le jeu de Sandra Hüller dont beaucoup ont considéré qu’il était scandaleux qu’elle ne figurât point au palmarès du dernier Festival de Cannes. L’histoire ? Amateur de blaques, Winfried arrive à l’improviste à Bucarest pour rendre visite à sa fille Ines qui vit et respire pour son job : elle est conseillère en restructuration d’entreprises. Pour lui donner une leçon de vie, ce sexagénaire se déguise en Toni Erdmann, un bonhomme aussi extravagant que sa fille est coincée. Bref, c’est l’histoire d’un père qui vient réenchanter le quotidien de sa fille…
En 2h42, Maren Ade donne une autre image d’un cinéma allemand d’ordinaire plus austère en offrant une comédie bourrée d’humour qui a suscité bien des applaudissements en direct durant sa projection au dernier Festival de Cannes. Et lui permet, par le rire, de donner un nouveau souffle à une histoire vieille comme le monde. Elle dit : « La famille est une scène de théâtre où chacun jour son rôle selon des règles immémoriales. Qu’on ne peut espérer changer qu’en
s’affrontant. »
Très minutieuse, Maren Ade a mis six ans pour peaufiner son scénario, et fait bien des voyages pour Bucarest pour s’imprégner de l’atmosphère roumaine et d’un cinéma qu’elle aime. L’idée du voyage est un atout de plus, à ses yeux, dans son scénario. Elle poursuit : « Le fait que Winfried et Ines se retrouvent loin de chez eux donne une ampleur supplémentaire à leur conflit relationnel. Alors qu’elle pense avoir rompu avec ce qui la rattache à son pays natal, tout chez elle rappelle qu’elle est allemande. Notamment sa manière de s’habiller : elle a besoin de ressembler à un homme pour s’imposer dans la hiérarchie, alors qu’en Roumanie et en France, on peut occuper un poste de pouvoir tout en étant féminine et sexy. »
Outre la prestation de Sandra Hüller, capable de passer par bien des registres, et qui glisse un brin de fantaisie chez cette cost-killeuse – on l’avait déjà appréciée dans Amour fou, de Jessica Hausner – le film est aussi l’occasion de goûter aux variations de Peter Simonischek, comédien de théâtre autrichien réputé, qui se joue de la schizophrénie de son personnage et donne vie à ce sexagénaire au regard perdu et au look négligé. Même si tout avait été minutieusement préparé
en amont, la cinéaste a laissé à ses comédiens une grande liberté de jeu. Elle conclue : « D’un point de vue technique, cela signifie qu’on a le plus souvent utilisé un éclairage à 180 degrés et qu’on était tous prêts à surfer sur la vague quand les choses prenaient un autre cours. On a passé énormément de temps sur le plateau à travailler chaque scène dans le moindre détail, ce qui ne nous a jamais empêché non plus de tout changer de fond en comble le jour du tournage ».
Il ne reste plus au public qu’à décerner un prix que la Croisette n’a pas donné à ce Toni Erdmann. On verra vite si cette comédie décalée fonctionne en salle.
