MOMMY, de Xavier Dolan – 2h14
Avec Anne Dorval, Suzanne Clément, Antoine Olivier Pilon
Sortie : mercredi 8 octobre 2014
Je vote : 5 sur 5
Une veuve monoparentale hérite de la garde de son fils, un adolescent profondément turbulent et violent. Ensemble, ils tentent de joindre les deux bouts, notamment grâce à l’aide inattendue de la mystérieuse voisine d’en face, Kyla, une enseignante laissée bègue par un traumatisme et qui a pris une année sabbatique.
Ce qui touche dans ce film ?
Indéniablement, le battage médiatique qui a accompagné ce film lors de sa projection à Cannes – il a remporté le prix du Jury ex-aequo avec Jean-Luc Godard – est amplement mérité, tant ce jeune cinéaste fait montre d’une totale maturité dans l’écriture comme
dans la réalisation de cette histoire où, une fois encore, il aborde la question de la mère. Il raconte : « S’il est un sujet que je connaisse sous toutes ses coutures, qui m’inspire inconditionnellement, et que j’aime par-dessus tout, c’est bien ma mère. Quand je dis ma mère, je pense que je veux dire LA mère en général, sa figure son rôle. Car c’est à elle que je reviens toujours. C’est elle que je veux voir gagner la bataille, elle à qui je veux écrire des problèmes pour qu’elle ait toute la gloire de les régler, elle à travers qui je me pose des questions, elle qui criera quand nous nous taisons, qui aura raison quand nous avons tort, c’est elle, quoi qu’on fasse, qui aura le dernier mot, dans ma vie. »
Dans cette plongée au cœur des tensions familiales, Xavier Dolan signe alors deux très beaux portraits de femmes, jouées par deux actrices habituées de son cinéma. La vraie mère, campée avec une force étonnante et un charme absolu, par Anne Dorval : elle peut, tour à tour, faire montre d’une violence verbale et user d’un langage de charretier avant de faire montre d’une
sensibilité à fleur de peau et d’une grande douceur. Et la mère de « substitution » à laquelle Suzanne Clément prête ses traits et un sourire désarmant d’humanité. Une jeune femme qui semble retrouver goût à la vie quand ces voisins encombrants et bruyants font irruption dans sa vie.
Au centre de leurs attentions et de leur relation, il y a Steve (Antoine Olivier Pilon), un adolescent qui se cherche depuis la mort de son père et qui est victime de subites bouffées de violence. Commentaires de Xavier Dolan : « Quant à Antoine, il est évidemment la surprise, la révélation. N’importe quel cinéaste peut s’enorgueillir de ce qu’il révèle un talent, ou le confirme. C’est un but pour moi : travailler avec des grands artistes, et, avec eux, créer de grandes performances, de grands moments d’émotions. On peur du cinéma la notion de personnages. On leur refuse leur surnom, leur style, leur jargon, leur passé, leurs tics, leurs plaisirs coupables, leur héroïsme, leurs manies. On case les acteurs dans des archétypes et des organigrammes scénaristiques. Les humains intéressants existent dans la réalité et les acteurs avec qui j’aime travailler mettent à contribution du film la réalité qu’ils observent et connaissent depuis toujours. Pour moi, c’est le propre des grands acteurs ; créer des personnages et non des performances. »Là où Xavier Dolan est, de film en film, bluffant c’est par son sens inné de la mise en scène. S’il s’appuie cette fois sur le format 1:1, c’est pour permettre, par ce quadrilatère, de coller au plus près des émotions des trois personnages. Il dit : « Le sujet est indéniablement le personnage, au centre de l’image, toujours. Les yeux ne peuvent l’éviter. » Même dans la scène de l’affrontement violente entre Steve et sa mère, ce choix esthétique renforce l’impact d’un des moments essentiels du récit. Autre trouvaille du cinéaste : il a pris le parti d’une lumière qui irradie une histoire qui aurait pu être simplement glauque, voire misérabiliste. Au lieu de cela, il décrit des personnages qui se battent pour s’en sortir avec des teintes vives – orange, rose – en toile de fond.
Au final, Mommy est un des chocs visuels de cette rentrée cinématographique signé d’un cinéaste dont la jeunesse promet de belles surprises pour ses réalisations à venir. De fait, son film aurait aussi pu décrocher une Palme d’or au dernier Festival de Cannes, tant il est abouti et novateur.




